lundi 9 janvier 2012

Disparition d'Elisabeth Allès, sinologue engagée

Disparition d'Elisabeth Allès, sinologue engagée

Pierre Haski
Cofondateur
Elisabeth Allès, sinologue française, spécialiste des Hui , les musulmans chinois, est décédée dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, après un cancer foudroyant. C'était une femme passionnée, engagée, qui, au-delà de son centre d'intérêt professionnel, militait au côté des sans-papiers chinois et au sein de la Ligue des droits de l'homme.

J'ai rencontré Elisabeth Allès au début des années 2000, lorsque j'ai publié « Le journal de Ma Yan », une chronique de la vie d'une fille de paysans pauvres de la province chinoise du Ningxia, issue d'une famille Hui.

Au cours de mes recherches sur le sujet, en vue de la publication d'un livre, j'étais tombé sur la thèse d'Elisabeth Allès, « Musulmans de Chine », une anthropologie des Hui de la province du Henan, publiée en 2000 aux éditions de l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), qui reste la référence absolue en français sur le sujet.

Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, notamment lorsqu'elle vivait à Hong Kong, pour échanger sur cette minorité chinoise peu connue à l'étranger. Nous échangions sur nos expériences respectives au sein de la communauté Hui, moi au Ningxia où je me rendais fréquemment dans le cadre d'une action associative, et elle dans ses recherches de terrain qui la passionnaient, notamment au Yunnan où elle écrivit des textes étonnants sur les femmes imam musulmanes.

De retour à Paris, elle fut la directrice du Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine (CECMC ) au sein de l'EHESS, jusqu'à ce que la maladie l'en empêche.

Lui rendant hommage sur le site de l'EHESS , son président, François Weil, écrit :

« Elle était aussi une femme d'engagement et de conviction, qui avait siégé dans plusieurs instances de l'Ecole et militait à la Ligue des droits de l'Homme, dont elle avait animé la section de l'Ecole et où elle avait été membre du Bureau national. »

Les hommages sont également venus de Jean-Philippe Béja, sinologue du CERI-Sciences Po, qui écrit sur Médiapart :

« Ils ne sont pas nombreux les sinologues qui refusent de s'enfermer dans la tour d'ivoire de la “ science ” pour s'engager aux côtés des Chinois. Elisabeth était de ceux-là ».

Sur le site de la Ligue des droits de l'homme aussi, un bel hommage lui est rendu :

« Elle a participé activement en 2008 aux mobilisations autour des Jeux olympiques en Chine. Membre active du groupe “ Chine ”, elle apportait sa collaboration dans la langue originale au travail d'information pour le bulletin mensuel et aux actions de soutien aux militants chinois.

Logiquement, elle avait fait du combat pour les “ sans-papiers ”, un fil rouge de ses préoccupations. A ce titre, elle partageait l'engagement de toutes les militantes et de tous les militants de la LDH pour une défense et une amélioration concrète de tous les droits partout et pour tous.

Nous garderons d'Elisabeth le souvenir de son intelligence, de son sourire, et de sa tendresse envers les femmes et les hommes de tous les mondes. »

Je m'associe sans réserve à ces hommages sincères à cette femme qu'on n'oubliera pas.
source rue89