dimanche 11 décembre 2011

Le Sénat adopte le texte donnant le droit de vote local aux étrangers

Le Sénat adopte le texte donnant le droit de vote local aux étrangers


Citoyenneté et nationalité, immigration et communautarisme... Les clivages profonds entre gauche et droite ont été mis en exergue tout au long du débat. Cette proposition "touche à l'ADN de notre modèle républicain, c'est à dire au lien entre nationalité et citoyenneté", a lancé Bruno Retailleau (UMP). ( © AFP Martin Bureau)
Je m'abonne
Téléchargez Libé sur web, iPhone, iPad, Android
1€ seulement jusqu'à la fin du mois

PARIS (AFP) - Le Sénat a adopté jeudi soir par 173 voix contre 166 la proposition de loi constitutionnelle de la majorité de gauche accordant le droit de vote aux municipales aux étrangers non communautaires.

Ce vote est intervenu après un long débat houleux au cours duquel la droite, menée par le premier ministre François Fillon, s'est vivement opposée mais vainement à ce texte.

Quelque 300 partisans et adversaires du projet, séparés par un cordon policier, se sont rassemblés près du Sénat à l'appel d'une partie de la gauche pour les premiers, et du Front national pour les seconds. Deux candidats à la présidentielle avaient fait le déplacement: la patronne du FN Marine Le Pen et l'écologiste Eva Joly.

Citoyenneté et nationalité, immigration et communautarisme... Les clivages profonds entre gauche et droite ont été mis en exergue.

Fait exceptionnel: c'est François Fillon qui a ouvert le débat pour "exprimer" sa ferme "opposition" à un "travail de sape d'un des fondements de notre République".

"La gauche s'engage dans une voie dangereuse avec légèreté", en prenant "le risque de vider la nationalité et la citoyenneté française de leur substance", a lancé le Premier ministre devant un hémicycle clairsemé mais animé.

"Dissocier le droit de vote de la nationalité française, c'est prendre le risque de communautariser le débat public", a-t-il jugé.

Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a rappelé la position de la majorité: "On vote parce que l'on est citoyen, on est citoyen parce que l'on est Français, on n'est pas citoyen parce que l'on habite en France".

Esther Benbassa (EELV), rapporteure, a répliqué en lisant à la tribune des déclarations passées en faveur de ce droit, prononcées jadis par Nicolas Sarkozy, Eric Besson (ministre de l'Industrie), l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin ou encore Brice Hortefeux.

"Ce sont d'autres discours que nous entendons désormais" a déploré cette universitaire, qui possède la triple nationalité franco-turque-israélienne. "J'ai ai été moi-même une étrangère, une immigrée", a-t-elle noté.

En inscrivant à l'ordre du jour le même texte voté à l'Assemblée en mai 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin -et qui avait été bloqué par le Sénat de droite-, la gauche sénatoriale a voulu lancer un signal politique avant la présidentielle.

Nicolas Sarkozy avait le premier taxé cette proposition d'"hasardeuse". L'UMP, notamment la Droite populaire, a ensuite accusé la gauche de "brader la citoyenneté". Claude Guéant a agité la crainte de voir "la majorité des maires devenir étrangers" en Seine-Saint-Denis.

Or le texte ne permet pas aux étrangers de devenir maire ni de participer aux élections sénatoriales en tant que grands électeurs. Ils pourraient seulement être élus conseillers municipaux. Une loi organique déciderait des modalités, notamment de la condition de résidence, qui devrait être de cinq ans.

Le vote, qui devrait intervenir dans la soirée, promet d'être très serré, certaines voix du RDSE (PRG) faisant défaut à la majorité, comme celle de Jean-Pierre Chevènement, qui ne prendra pas part au vote.

Mais les centristes étant aussi divisés, la proposition devrait être approuvée. François Bayrou (MoDem) dit oui tandis que le patron des sénateurs centristes, François Zocchetto, dit non. Mardi, Jean-Louis Borloo pensait que ses "amis" au Sénat voteraient le texte ou s'abstiendraient.

La Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a elle demandé dans un communiqué "que la foire d’empoigne laisse place à l’analyse", déplorant que cette question "soit instrumentalisée à l’aube de chaque scrutin".

Ce texte constitutionnel n'a aucune chance d'être voté sous cette législature. Il ne pourra être adopté conforme (définitivement) et reviendra donc devant l'Assemblée nationale.

© 2011 AFP
source libé