lundi 31 octobre 2011

Tunisie: les islamistes revendiquent la tête du futur gouvernement

Tunisie: les islamistes revendiquent la tête du futur gouvernement


Des contacts ont été noués entre le CPR et les islamistes avant le scrutin. ( © AFP Bechir Taieb)
TUNIS (AFP) - Le parti islamiste Ennahda, donné vainqueur de l'élection de l'assemblée constituante dimanche en Tunisie, veut former le gouvernement d'ici un mois, a déclaré mercredi son chef Rached Ghannouchi, en plaçant "l'identité arabe" du pays au centre des débats à venir.

"Il est tout à fait naturel que le parti qui a obtenu la majorité dirige le gouvernement", a déclaré mercredi M. Ghannouchi, sur la radio Express FM.

"Le gouvernement doit être composé le plus tôt possible, dans un délai qui n'excède pas un mois", a-t-il ajouté, alors que les résultats définitifs de l'élection n'ont pas encore été publiés. L'Isie, la commission électorale, n'a donné mercredi aucune indication sur la date de l'annonce finale.

Les premiers chiffres livrés au compte goutte confirment cependant l'avance des islamistes, qui ont déjà annoncé au lendemain de l'élection qu'ils comptaient sur un score entre 30 et 40% dans la future assemblée constituante.

Longuement interrogé sur Express FM, M. Ghannouchi a insisté sur l'identité arabe de la Tunisie, "une affaire nationale qui concerne tout le monde, pas un seul parti".

"Notre langue, c'est la langue arabe. On est devenu franco-arabe, c'est de la pollution linguistique", a-t-il déploré, alors que le parler dialectal tunisien mélange le français et l'arabe, le français étant encore largement pratiqué depuis l'indépendance en 1956 de l'ancien protectorat.

"Il faut un dialogue national sur l'éducation", a poursuivi M. Ghannouchi, dont le parti a déjà fait comprendre qu'il souhaitait diriger ce ministère dans le futur gouvernement.

La question de l'identité arabo-musulmane des Tunisiens occupe une place importante depuis la révolution et le retour d'Ennahda sur la scène politique.

"Nous avons dit aux islamistes que nous sommes attachés à notre identité arabo-musulmane mais que nous refusons l'exploitation de la religion comme moyen de dictature", a répondu en écho Moncef Marzouki, leader du parti de gauche nationaliste Congrès pour la République (CPR), engagé dans des discussions avec Ennahda.

Le CPR pourrait arriver, selon les projections, deuxième dans l'assemblée constituante de 217 élus.

Les islamistes "ne sont pas le diable" et "il ne faut pas les prendre pour les talibans de la Tunisie", a souligné M. Marzouki.

"Les lignes rouges c'est encore une fois les libertés publiques, les droits de l'homme, les droits de la femme, de l'enfant et sur ça on ne pactisera jamais, jamais", a-t-il ajouté.

De son côté, la coalition de gauche du Pôle démocratique moderniste (PDM) a assuré qu'elle resterait "vigilante". "Le peuple n'a pas donné un chèque en blanc à Ennahda", a souligné Jouneidi Abdeljawad, un des responsables d'Ettajdid, principale force du PDM.

La Constituante élue dimanche par les Tunisiens, qui votaient pour la première fois depuis la chute de Ben Ali, devra prioritairement désigner un nouveau président de la République, qui lui-même formera un nouvel exécutif jusqu'aux prochaines élections générales.

"Nous sommes pour une grande alliance nationale qui aboutira à un gouvernement démocratique", a souligné M. Ghannouchi, souhaitant des discussions "avec tous ceux qui ont milité contre Ben Ali".

Interrogé sur le prochain président de la République, M. Ghannouchi, qui a déjà déclaré qu'il ne serait pas candidat, a estimé que ce poste devrait être occupé par "une personnalité qui a milité contre la dictature".

Trois noms circulent dans les milieux politiques pour ce poste de président: Mustapha Ben Jaafar, chef du parti de gauche Ettakatol, qui a déjà fait savoir qu'il était candidat, Moncef Marzouki et Ahmed Mestiri, opposant historique de Bourguiba.

A Tunis, l'annonce des premiers résultats confirmant l'avance des islamistes a donné lieu à des manifestations de joie mardi soir. Mais la victoire annoncée d'Ennahda a aussi fait l'effet d'un choc dans les milieux intellectuels et laïques tunisiens.

L'autre choc du scrutin du 23 octobre est la percée inattendue d'une liste que personne n'avait vu venir, "La Pétition populaire pour la justice et le développement", qui a déjà obtenu neuf sièges, selon les premiers décomptes.

Elle est dirigée par Hechmi Haamdi, un richissime tunisien aux appartenances politiques ambigües, qui a fait campagne depuis Londres par le biais de sa télévision satellitaire Al Mostakilla, regardée en Tunisie.
source libé
© 2011