samedi 13 août 2011

Quand Tottenham était le modèle des banlieues françaises

Quand Tottenham était le modèle des banlieues françaises
Presse et politiques tentent de comprendre les raisons profondes des émeutes qui embrasent le quartier nord de Londres.

Tottenham, modèle à suivre ? Le 16 novembre 2005, en pleine émeutes des banlieues en France, un groupe de jeunes étudiants d'Evry (Essonne), destinés à travailler dans les banlieues parisiennes, font un voyage pour s'inspirer de l'exemple de Tottenham, quartier de Londres « où 39 nationalités se côtoient » et où, après des années chaudes, le calme semble être revenu.

Régulièrement secoué par des émeutes dans les années 70 et 80, Tottenham, en 2005, est présenté comme un quartier où, malgré les difficultés – le taux de chômage des jeunes y est élevé –, l'intégration fonctionne. (Voir la vidéo de l'INA)

Six ans après, c'est à nouveau l'explosion. Suite à la mort d'un jeune homme tué lors d'un échange de tirs avec la police jeudi 4 août, une marche silencieuse a été organisée, suivie des désormais traditionnelles émeutes qui accompagnent ces drames.

Depuis samedi soir, le nord de la capitale connaît des troubles graves, désormais étendus à d'autres quartiers de Londres, dont Enfield, Islington, Brixton (sud) et Oxford Circus. Plus de cent personnes ont été arrêtées, des manifestants et des policiers ont été blessés. (Voir la vidéo)


Ces agitations rappellent celles des années 80, quand les grandes villes britanniques s'embrasaient régulièrement. Saint Pauls, Brixton, Handsworth. Les pires à Toxteth, un quartier de Liverpool et à Tottenham :

Juillet 1981. Leroy Cooper, un jeune Noir de 20 ans, est arrêté à Liverpool. La police, alors réputée raciste, doit faire face à la foule en colère. Bilan : neuf jours d'émeutes, un mort renversé par un véhicule de police, plus de 450 policiers blessés, 500 arrestations.

Octobre 1985. Une femme noire de 49 ans meurt d'une crise cardiaque alors que la police fouille son domicile à Tottenham. Un rassemblement d'abord pacifique dégénère. Keith Blakelock, un officier de police de 40 ans, est assassiné.

La presse compare aujourd'hui le quartier aux deux époques, tentant de
comprendre pourquoi les améliorations, depuis 1985, n'ont pas empêché de
nouvelles émeutes.
« Les relations entre les Noirs et la police se sont améliorées »

Interrogé par le Guardian, le producteur et animateur David Akinsaya, se souvient de sa couverture des émeutes de Tottenham en 1985 :

« A cette époque, un jeune Noir qui traversait la rue pouvait se faire embarquer dans une camionnette par la police et disparaître trois jours. Ça ne peut plus arriver aujourd'hui. »

« Le monde a radicalement changé, confirme Andrew Gilligan du Telegraph, […] les relations entre les Noirs et la police se sont améliorées ainsi que les conditions de vie dans le quartier. »
« Dans cette zone, il y a toujours un taux de chômage très élevé »

Pour autant, le chômage n'a pas baissé, ni l'extrême pauvreté de plusieurs centaines de familles. Selon Chris Banbury, politologue, la mort jeudi du jeune homme n'a été que le prétexte pour que s'exprime une révolte rampante :

« Rien n'a changé ces vingt-six dernières années. La police est toujours perçue comme une force étrangère dont la politique est d'arrêter, de surveiller, de harceler principalement les jeunes Noirs mais aussi tous les jeunes de façon générale.

Dans cette zone, il y a toujours un taux de chômage très élevé ; une exclusion des jeunes Noirs – mais pas seulement – des études secondaires. »

Twitter et BlackBerry Messenger mis en cause

Et la technologie ! Pour certains, c'est le site de micro-blogging Twitter et l'outil de messagerie de BlackBerry (BBM) qu'il faut blâmer. S'il semble peu probable que les jeunes émeutiers aient beaucoup « tweeté », il paraît vraisemblable (et finalement assez logique, comment faire autrement ? ) que la messagerie instantanée du BlackBerry ait largement servi à la diffusion de lieux de rendez-vous, à la prise de vue d'images et de vidéos-trophées, etc.

Cette menace d'une propagation par les réseaux sociaux est prise très au sérieux par la police. Steve Kavanagh, l'un des commissaires adjoints de la police londonienne, a ainsi fait savoir qu'il considérerait comme de l'appel à la violence certains messages postés sur Twitter et que leurs auteurs pouvaient être arrêtés.
source rue89