dimanche 21 août 2011

Football : un Argentin de 7 ans déjà au Real Madrid

Football : un Argentin de 7 ans déjà au Real Madrid

LEMONDE.FR

Leonel Angel Coira, 7 ans, nouvelle recrue du Real Madrid.

A des dizaines de milliers de kilomètres de Paris, l'équipe de France de football des moins de 20 ans a joué, mercredi 17 août, une demi-finale historique de Coupe du monde. Ces champions en herbe seront peut-être demain les successeurs des Zidane, Henry ou Benzema, au firmament du football français !

Ne tirons pas de plans sur la comète. Pourtant, ce succès replace sur le devant de la scène la question de la formation des jeunes footballeurs en France. Car, si le "modèle français" a longtemps été loué par nos voisins européens et a encore des résultats, il faut reconnaître qu'il a été fortement questionné ces derniers temps. Insistons sur un point qui mérite une attention particulière : la question du scouting, de la détection, en particulier des plus jeunes joueurs à l'international.

Aujourd'hui, les clubs français sont armés de très bons formateurs, mais sont en retard sur ce scouting (ou l'art de disposer d'un réseau de recruteurs dans le monde entier), surtout en comparaison avec les grands clubs de football européens, qui mettent de très gros moyens pour dénicher les futurs pépites. La détection est désormais l'enjeu majeur. Le talent évoluant avec l'âge, il faut (avoir les moyens d') accepter certaines prises de risque. Le petit Lionel Messi n'avait que 13 ans et des problèmes de croissance lorsqu'il est arrivé à Barcelone.

A titre d'information, le budget formation du Barça est trois fois supérieur à celui des centres français, comme le budget total des clubs d'ailleurs ! Cela permet d'imposer un style et une qualité de jeu, une image et une marque forte qui peuvent donner envie au joueur de passer toute sa carrière ou une grande partie dans son club formateur. Pourquoi ces grands clubs peuvent-ils avoir des budgets de formation aussi importants ? Parce qu'ils ont, tout simplement, des recettes (commerciales, billetterie, droits TV) bien plus importantes leur permettant de miser sur une volonté d'utiliser en équipe A les meilleurs joueurs, mais aussi d'avoir un "stock" d'autres joueurs à vendre !

De facto, après la lutte entre grands clubs européens autour de la détection des jeunes espoirs, il se livre désormais une bataille sur le terrain de la "rétention", c'est-à-dire comment garder ses pépites le plus longtemps possible. L'arrêt Bosman et ceux qui ont suivi ont non seulement décloisonné l'univers des transferts de joueurs professionnels, mais aussi révolutionné le secteur de la formation et de la détection. Les clubs français en payent encore le prix fort. Après l'exode des meilleurs internationaux, ils ont assisté, au départ, sans contrepartie ou presque, de leurs meilleurs espoirs. Ils voient aujourd'hui de moins en moins de concurrence dans leur centre de formation.

Cette problématique a été souvent développée : le modèle français victime de la libre circulation, du droit européen, du dumping fiscal de nos voisins et de la supériorité économique de ceux-ci. Si ces points ne sont pas à remettre en cause, ils ne doivent pas cacher un immobilisme inquiétant et empêcher des actions de développement, de protection de la formation et de la détection. Le récent transfert de Cesc Fabregas au FC Barcelone nous permet de comprendre que, sans réelle protection du club formateur, c'est tout le système qui pourrait vaciller demain. Rappelons-nous que le PSG avait déboursé en 2000 un peu plus de 15 millions d'euros pour racheter un joueur formé… à Paris. Et pour voir Fabregas rentrer à la "casa", le Barça aura dépensé plus de 30 millions d'euros. Ce transfert illustre aussi les limites du système de formation actuel.

RÉTENTION DES JEUNES TALENTS

La vraie question est de savoir pourquoi ces jeunes joueurs quittent leur club formateur avant d'éclore et comment les retenir ? Par essence, le talent est rare, donc cher. D'autant plus cher lorsque ce talent est confirmé. Les clubs sont entrés dans une lutte sans merci, où tous les coups ou presque sont permis pour arracher à un potentiel concurrent cette future pépite : recrutement, cet été, pour le moins précoce d'un Argentin de 7 ans au Real Madrid, rémunération de ces "enfants travailleurs", exode ou emploi (parfois fictif) des parents…

A ce rythme, les budgets des clubs formateurs vont s'envoler à un point où certains clubs vont s'interroger sur l'intérêt économique de la formation. La chance de la France dans cette compétition libre et incontrôlée est sûrement de proposer des règles fondées sur des valeurs éthiques. Nombreuses sont les questions morales autour de ce modèle mondialisé de la formation des jeunes footballeurs où l'on ne peut accepter que la loi du marché "des transferts" s'applique à des enfants de plus en plus jeunes.

Conscient de ce risque, le président de l'UEFA, Michel Platini, a cherché une solution pour inscrire dans le marbre une obligation de formation pour chaque club : la règle dite des "joueurs formés localement". C'est un bon début, mais l'exemple de cet enfant de 7 ans nous montre que c'est encore insuffisant. Les clubs doivent donc être protégés pour les risques qu'ils prennent dans la formation et être limités dans leur politique de détection. Mais pour qu'ils assument ces risques au-delà de leurs frontières, le droit international et européen devra encore se questionner sur les limites qu'il pourra accorder, dans un cadre d'exception, au football.

Ces règles spécifiques devront être fondées sur des valeurs éthiques (obligation de signer un premier contrat de longue durée avec son club formateur, interdiction de transfert en fonction de l'âge sans dérogations, limite des salaires au profit de la formation et de l'éducation des sportifs…). En attendant, souhaitons pour la beauté du jeu, que le Real Madrid ait su voir en ce Leonel Angel Coira de 7 ans le futur Lionel Messi.