lundi 11 juillet 2011

Colère des militants pro-palestiniens bloqués à Roissy et à Genève

Colère des militants pro-palestiniens bloqués à Roissy et à Genève
Barrage policier à Roissy.
Israël est parvenu à empêcher la venue de plusieurs centaines de militants pro-palestiniens européens à Jérusalem-Est et en Cisjordanie en faisant pression sur les compagnies aériennes européennes, qui ont refusé de les laisser embarquer jeudi 7 et vendredi 8 juillet, en France, en Belgique et en Suisse notamment. Vendredi midi, les passagers refoulés manifestaient vivement leur colère à l'aéroport parisien Roissy-Charles-de-Gaulle et à Genève, comme le montrent ces vidéos, tournées par les militants.

Jeudi, c'est d'abord la compagnie hongroise Malev qui a refusé des passagers. Vendredi matin, les compagnies Alitalia et Lufthansa ont fait de même. Cinquante autres militants étaient bloqués à l'aéroport de Genève. La compagnie aérienne autrichienne Austrian Airlines a également indiqué avoir refusé vendredi, à la demande des autorités israéliennes, l'embarquement à Vienne d'un passager voulant se rendre à Tel-Aviv. "Après plusieurs heures d'attente, nous avons enfin obtenu un certificat de non-embarquement", explique au Monde.fr Stéphane Mahon, l'un des militants bloqués à Roissy, certificat en main. "Il est écrit que je n'ai pas été embarqué au motif, je cite 'd'une directive du gouvernement israélien' stipulant que je serai 'non-admis sur le territoire'. La compagnie précise d'ailleurs qu'elle décline toute responsabilité", détaille-t-il.

Près de six cents militants – dont trois cents Français et des délégations de Belgique, d'Allemagne, de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et d'Italie – devaient participer à l'opération "Bienvenue Palestine" à l'invitation de quinze associations palestiniennes pour marquer notamment l'anniversaire de la décision de la Cour internationale de justice (CIJ), le 9 juillet 2004, qui avait déclaré illégale la barrière de séparation construite par Israël en Cisjordanie.

"Le but de cette mission pacifique n'a jamais été de manifester en Israël ou de semer le désordre à l'aéroport Ben-Gourion. Nous devions seulement atterrir à l'aéroport de Tel-Aviv et prendre tout de suite des cars pour rejoindre Béthléem, en Cisjordanie, où nous attendaient de nombreuses familles qui veulent nous montrer leurs conditions de vie difficiles", explique au Monde.fr, en colère, Olivia Zemor, coordinatrice du groupe français de la mission. Israël contrôle tous les accès des territoires palestiniens, à l'exception de la frontière entre la bande de Gaza et l'Egypte.

"ENTRAVE À LA LIBERTÉ DE CIRCULATION"

"On ne s'attendait vraiment pas à ce que des compagnies européennes cèdent à la pression du gouvernement israélien, qui n'a aucun droit de nous empêcher d'accéder aux territoires palestiniens. En somme, l'aéroport de Roissy est sous occupation israélienne" s'indigne-t-elle. "C'est incroyable de voir les lignes aériennes de nos pays jouer le jeu d'Israël. Notre vol devait faire Paris-Rome puis Rome–Tel-Aviv. Et même ce premier vol, à l'intérieur de l'espace Schengen, on nous empêche de le prendre ! C'est une entrave à notre liberté de circulation !" s'emporte Stéphane Mahon.

Un militant pro-palestinien bloqué à l'aéroport de Roissy, jeudi.
A Genève, cinquante voyageurs se réclamant du collectif français des "désobéissants" se sont vu refuser l'enregistrement de leur vol pour Tel-Aviv par la compagnie Easyjet. Ils ont ensuite tenté de franchir les portiques de sécurité. Les autorités aéroportuaires ont alors décidé de bloquer temporairement les points d'embarquement, ce qui a provoqué des retards.

Israël a remis aux "compagnies aériennes une liste de trois cent quarante-deux personnes indésirables, les avertissant qu'elles seront aussitôt refoulées aux frais des compagnies", a indiqué la porte-parole des services de l'immigration israéliens, Sabine Hadad. A la suite de cet avertissement "les compagnies ont refusé d'ores et déjà de prendre à bord quelque deux cents de ces passagers", a-t-elle précisé vendredi matin. Durant la nuit Israël a déjà refoulé vers les Etats-Unis deux militantes américaines venues par avion, a-t-elle ajouté.

"Tout pays a le droit élémentaire de refuser l'entrée sur son sol de provocateurs", avait réaffirmé, jeudi, le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, en visite à Sofia.

FOUILLE MINUTIEUSE À TEL-AVIV

A l'aéroport Ben-Gourion, la police israélienne était en état d'alerte en prévision de l'arrivée de ces militants, qualifiés de "hooligans" par le ministre de la sécurité publique israélien, Yitzhak Aharonovitch, qui a prévenu qu'ils seraient expulsés dès leur arrivée à Tel-Aviv. "Plusieurs centaines de policiers ont été déployés pour éviter tout désordre. Ils ont reçu pour consigne d'agir avec fermeté et retenue, en arrêtant sur le champ tout fauteur de troubles", a précisé le porte-parole de la police, Micky Rosenfeld.

Passée entre les mailles du filet vendredi matin, au départ de Toulouse, Julie a atterri à Tel-Aviv en début d'après-midi avec un petit groupe d'une vingtaine de militants. "Mais nous n'avons pas pu passer la douane. Ils avaient tous nos noms sur une liste, et nous ont mis de côté", raconte-t-elle au Monde.fr. "Depuis, ils nous trimballent d'une salle à une autre. Au fur et à mesure d'autres militants arrivent, d'Allemagne notamment. Ils ont confisqué nos passeports et ont entrepris de fouiller scrupuleusement tous nos bagages. Je crains qu'ils en viennent à la fouille au corps." Son téléphone a été également confisqué par la police une heure après cet entretien.

"NOUS SOMMES DEVENUS CINGLÉS"

Dans le quotidien israélien à grand tirage Yediot Aharonot, un porte-parole de la police précise être en contact "constant" avec les compagnies aériennes européennes, à qui il a dit avoir justifié ces "mesures de securité" prises pour que ces personnes n'embarquent pas. Les compagnies "ont bien compris qu'elles seraient tenues pour responsables si des militants arrivent en avion et sont interdits d'entrée dans le pays, et que le retour se fera à leur frais", a indiqué un porte-parole de la police.

Tout en relevant l'objectif dissuasif de la mobilisation policière à l'aéroport, les médias israéliens la jugeaient excessive. La radio publique s'alarmait d'une "hystérie" des autorités, alors que Yediot Aharonot titrait : "Nous sommes devenus cinglés", ironisant sur le fait qu'un "pays entier est sur les dents en attendant la venue d'une militante italienne octogénaire".

Un ancien porte-parole de l'armée, le député du parti centriste Kadima, a déploré pour sa part à la télévision que le pays continue à traiter comme une menace militaire des manifestations de civils non armés, telles qu'elles se produisent dans tout le monde arabe.

En début d'après-midi, les militants avaient entamés un sit-in à l'aéroport de Roissy, exigeant a minima que toutes les compagnies qui les avaient refusés fournissent un certificat de non-embarquement et s'engagent à rembourser les billets.
Le Monde.fr avec AFP