samedi 11 juin 2011

Le parquet a requis jeudi en appel la relaxe dans l'affaire des propos outrageants sur les Arabes

Le parquet a requis jeudi en appel la relaxe dans l'affaire des propos outrageants sur les Arabes prononcés en septembre 2009 par l'ex-ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, alors en poste. En évitant de se prononcer sur le fond, le ministère public a mis en avant un élément juridique, une requalification des faits qui ne permet plus à l'association partie civile de poursuivre son action.
Le jugement interviendra le 15 septembre.
Un an après le jugement du tribunal correctionnel qui avait condamné Brice Hortefeux à 750 euros d'amende, la cour d'appel de Paris s'est penchée sur les paroles litigieuses prononcées par le ministre alors qu'il posait avec un jeune militant, Amine, né de père algérien, lors de l'université d'été de l'UMP, en septembre 2009.

Sur une vidéo qui avait fait grand bruit sur internet, une militante expliquait à M. Hortefeux qu'Amine mangeait du cochon et buvait de la bière, le ministre rétorquant: «Ah mais ça ne va pas du tout, alors, il ne correspond pas du tout au prototype». Dans un second temps, il ajoutait: «Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes».

Quelques jours après ses propos, le ministre avait fait part publiquement de «ses regrets».

Hortefeux encore absent à l'audience

Pas plus qu'en première instance, les juges n'ont pu entendre les explications du ministre, absent à l'audience.

Sans s'avancer sur le terrain de la moralité du prévenu, l'avocate générale a requis la relaxe sur un fondement essentiellement juridique. Aux yeux du ministère public, la 17e chambre correctionnelle ne pouvait, comme elle l'a fait, requalifier le délit d' «injure publique» reproché à M. Hortefeux en «injure non publique», passible d'une simple contravention de 4e classe. Pourquoi? Parce que la partie civile à l'origine des poursuites, l'association antiraciste Mrap, ne peut agir en justice qu'en matière de délit.

Sans exclure que les propos de M. Hortefeux aient pu être «mal ressentis et perçus comme vexatoires» par des musulmans, la représentante du parquet général a appelé les juges à se demander si le caractère injurieux des propos était «suffisamment explicite» pour être condamné.

Le ministre aurait fait «une blague»

La Cour a écouté deux témoignages attendus et annoncés : celui du recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, et celui du président de l'Institut musulman d'Auvergne (IMA), Karim Djermani, sont venus attester des convictions antiracistes de l'ex-ministre, très proche du Président de la République.

«Si dans le métro un quidam disait la même chose, vous diriez "Ce n'est pas grave"?», l'a interrogé, un rien surpris, le président de la chambre Alain Verleene.

M. Boubakeur ne s'est pas démonté. Il a même une théorie appuyée, dit-il, sur son expérience de médecin pour expliquer les saillies de l'ancien ministre: il s'agit d'un «automatisme de la parole» de la part d'un homme politique «imprégné» à son corps défendant par «la société de consommation» et ses slogans publicitaires restés dans la mémoire collective comme «un verre, ça va, deux verres, bonjour les dégâts».

«C'est une blague, je l'ai pris comme ça, même si les blagues sur les arabes nous en avons de meilleures», a simplement soutenu Karim Djermani.

«Il n'y a pas de petits dérapages, les paroles ne s'envolent pas, elles restent, elles pénètrent et participent à la création d'un climat délétère», a fustigé la représentante du Mrap, Bernadette Hétier.
le parisien