mercredi 18 mai 2011

Zine El-Abidine Ben Ali doit être extradé et jugé

Edito du Monde
Zine El-Abidine Ben Ali doit être extradé et jugé

L'ancien président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali coule des jours tranquilles sinon sereins en Arabie saoudite, où il a fui le 14 janvier. Et plus le temps passe, plus le refus de le livrer à la justice de son pays paraît injustifiable.

Le nouveau régime tunisien a lancé dès le 26 janvier un mandat d'arrêt international contre lui, contre son épouse, Leïla Trabelsi, et plusieurs proches, tous membres du "clan" qui avait mis le pays en coupe réglée.

Au total, dix-huit actions en justice ont été engagées à Tunis contre l'ancien chef de l'Etat. Ses concitoyens en attendent beaucoup. Ils connaissaient la rapacité du "clan". Ce qu'ils ont découvert après la chute du dictateur les a pourtant ébahis. Dans sa résidence privée de Sidi Bou Saïd, des armoires blindées regorgeaient de liasses de billets neufs et de bijoux. Les enquêteurs ont aussi découvert dans son bureau officiel du palais de Carthage deux kilos de haschich et, sous le même toit, des pièces d'archéologie soustraites au patrimoine national.

L'homme était à la tête d'une "quasi-mafia", selon l'expression de l'ambassadeur américain à Tunis cité par WikiLeaks. C'était surtout un despote qui, comme ses semblables, régnait par la terreur et entravait la liberté d'expression. Lorsque les choses ont commencé à mal tourner pour son régime, il n'a pas hésité à user de la violence. Lui et son épouse ne sont pas seulement accusés de "complot contre la sûreté intérieure de l'Etat", mais aussi d'avoir "provoqué le désordre, des meurtres et des pillages sur le territoire tunisien".

Ce long chef d'accusation justifie que, passant outre aux prétendues lois de l'hospitalité, Riyad renvoie dans son pays son encombrant protégé. Il n'y risque plus sa vie comme c'était le cas, qui sait ?, à la mi-janvier. Le nouveau régime est en mesure de garantir sa sécurité comme il assure celle des membres du "clan" Ben Ali-Trabelsi qui ont été arrêtés.

L'Arabie saoudite se tromperait en pensant qu'elle peut, sans dommages pour son image dans le monde arabe et ailleurs, abriter plus longtemps les Ben Ali, comme elle le fit pour l'Ougandais Idi Amin Dada. Le temps n'est plus où l'opinion internationale fermait les yeux sur cette forme d'absolution, destinée dans le meilleur des cas à faciliter une transition démocratique : le chah d'Iran réfugié en Egypte, le Haïtien Duvalier en France, l'Ethiopien Mengistu au Zimbabwe... L'exigence d'équité s'est accrue : la justice internationale s'est dotée d'outils et d'instances qui en témoignent.

La justice tunisienne, composée d'hommes qui ont servi le régime, soumise comme elle l'est aux passions de la rue, est-elle en mesure d'assurer à Ben Ali et aux siens un procès équitable et serein ? La question se pose comme elle s'est posée en France à la Libération. Il y a des risques, que le nouveau gouvernement doit s'attacher à écarter, en garantissant dans la nouvelle Constitution en préparation l'indépendance des tribunaux. Sous cette réserve, Zine El-Abidine Ben Ali doit être extradé et jugé.
le monde