samedi 21 mai 2011

Marocaines énervées sur la planche

Marocaines énervées sur la planche

Hier soir, devant l’écran de la Quinzaine des réalisateur, deux filles ont crié. Leïla Kilani, réalisatrice marocaine qui venait présenter Sur la Planche, son premier film de fiction, et Soufia Issami, son actrice. Heureuses d’être là, forcément, mais furieuses que les deux autres actrices du film aient été reconduites depuis l’aéroport de Nice jusqu’à Casablanca, d’où elles étaient parties. A l’origine, “une obscure affaire de visa” a dit la productrice, Charlotte Vincent. A la fin du film, elles ont crié encore, pure joie de recevoir les applaudissements de la salle, pure joie d’avoir réussi à porter le film jusque là. Entre ces deux moments, le public a découvert un film haletant, détonnant mélange de polar et de documentaire, qui ouvre grand la fenêtre sur une réalité totalement inédite au cinéma. Sur la Planche c’est l’histoire de quatre filles, quatre petites frappes employées dans la zone franche du port de Tanger. Deux filles-crevettes, qui épluchent des crustacés toute la journée et en sortent imprégnées de cette salle odeur, et deux filles-textiles, plus jolies, mieux mises, mieux parfumées. Dans la vie, elles “se débrouillent“. Elles couchent contre de l’argent, dévalisent les appartements de leurs hôtes, cherchent à faire des petits coups, à s’extirper de leur condition. Leur rencontre le conduit vers un casse foireux qui, on le voit depuis la séquence d’ouverture, va mal se terminer. Ces filles, ce sont les filles du Maroc d’aujourd’hui, les filles de la génération Naida, la génération éveillée qui est dans la rue depuis le 20 février au Maroc, des filles affranchies, avides d’être libres et d’en découdre. Des filles qui échappent à tous les clichés sur la “jeune femme arabe”, si tenace dans le cinéma, et plus encore dans les films dits “de festival”. A ce film par ailleurs brutal, leur présence apporte une véritable fraîcheur.
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