mercredi 25 mai 2011

L’été européen sera chaud, mais orageux

L’été européen sera chaud, mais orageux

espagne_manifestation.1306114677.jpgLe printemps arabe sera-t-il suivi d'un été européen ? La question revient à nous demander si l'ingrédient qui a mis le feu aux poudres en Tunisie pourrait exploser à la Puerta del Sol à Madrid et dans d'autres villes ibériques. "Nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers" clame la banderole de cette photo.

Le problème de l'emploi des jeunes était l'un des premiers slogans tunisiens, et est au cœur de la réalité européenne. Depuis des années, les jeunes, même éduqués et diplômés, ne trouvent plus de travail dans la plupart des pays européens. Ils expriment un ras le bol face a l'egoisme de leurs aînés.

Des systèmes provisoires ont été mis en place pour organiser des formules contractuelles à court terme qui leur permettent de travailler. Les entreprises en ont fait un usage abondant, sans nécessairement se sentir la moindre obligation d'engager à la suite de ces « stages ». Il semblerait que les statistiques soient désastreuses et que les entreprises se soient contentées de "consommer" une main d'oeuvre à court terme. La demande classique « Venez nous revoir lorsque vous aurez eu un premier emploi » est un déni : quelles sont les entreprises qui offrent ces premiers emplois d'une manière qui permette d'envisager une carrière ?

Dans ce contexte, la question de la capacité des États d'imposer des mesures d'austérité accrues se pose. La semaine dernière, à la réunion du Bretton Woods Committee au FMI, il était évident que "les mesures d'austérité sont nécessaires, mais doivent être supportables socialement » , comme l'exprimaient le successeur de Dominique Strauss Kahn à la tête du FMI, John Lipsky et le patron de la Banque Mondiale, Robert Zoellick.

Au cours de cette semaine, cependant, quelques indications viennent encore d'alourdir le climat financier et pourraient provoquer une contagion orageuse.

L'Espagne pourra-t-elle éviter un sauvetage douloureux face à ses problèmes politiques et sociaux ? Le Gouvernement espagnol vient de subir un revers électoral sur la gestion de la crise et sort affaibli face à cette révolte.

L'Italie voit sa notation assortie de « perspectives négatives » par Standard & Poor's. La raison est le déficit budgétaire, l'absence de croissance économique et de réformes indispensables. L'importance de la dette italienne dépasse cinq fois celle de la Grèce, avec 1.800 milliards d'euros. Une hausse des taux sur cette dette, résultant d'une méfiance des investisseurs, pourrait à elle seule provoquer une crise dont l'ampleur est insoutenable pour l'Europe qui n'a pas les moyens de soutenir l'Italie.

Face aux problèmes de la Grèce, l'Italie et le Portugal, l'inquiétude monte. La Grèce a atteint un niveau de préoccupation qui a provoqué vendredi une baisse du Dow Jones. L'impossibilité de choisir entre restructuration de la dette et réinjection de liquidités ne rassure pas. La réunion de la semaine dernière de l'ECOFIN est au moins aussi décevante que les précédentes. Le consensus politique semble extraordinairement difficile.

Dans ce contexte, la France n'est pas à l'abri : son déficit budgétaire de 2010 vient immédiatement après la Grèce, l'Irlande, l'Espagne et le Portugal. Cela devrait se maintenir en 2011. Il y a donc une sorte de « second peloton » où l'Espagne, la France et l'Italie soulèvent des inquiétudes. Les manifestations madrilènes sont un signal d'alarme social à prendre en compte sérieusement.

Les inquiétudes bancaires augmentent au fur et à mesure que les chiffres des encours des banques sur les pays en difficultés sont connus. Les systèmes bancaires grec, portugais et irlandais seraient en faillite s'ils devaient comptabiliser leurs encours sur leurs pays respectifs aux cours des obligations. Ils servent de réservoir obligé des emprunts de leurs États.

Les banques européennes sont au centre des préoccupations : les intervenants américains au Comité de Bretton Woods cachaient mal ce qu'ils décrivent comme un laxisme européen face aux réformes réglementaires américaines, accusant les banques européennes d'une forme pernicieuse de concurrence : l'arbitrage réglementaire qui consiste à profiter d'une réglementation plus complaisante en Europe. Les banques européennes voient la performance de leurs actions décrocher d'environ 30% de leurs contreparties américaine et des pays en voie de développement depuis le début de l'année. L'Europe a un ratio de fonds propres de l'ordre de 4% contre 7.5% aux États-Unis. L'engagement d'atteindre 5% en 2013 alors que les rations de Bale III sont de 7% semble bien modeste.

Une combinaison de remous sociaux, de déficits des finances publiques et de la qualité des banques nous annonce un été aussi chaud qu'orageux. Le Président de l'Eurozone, Jean Claude Juncker, parle du risque de voir la crise grecque embraser l'Eurozone et l'Europe.
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