mercredi 18 mai 2011

Le Français tué à Benghazi accusé d'espionnage

La Secopex a-t-elle voulu jouer double jeu ? Peu d'éléments nouveaux éclairent les mystères qui entourent la mort du patron de cette société de sécurité privée, Pierre Marziali, dans la nuit de mercredi à jeudi, aux abords de Benghazi en Libye, et l'arrestation de cinq autres Français.
Le Français tué à Benghazi accusé d'espionnage par la rébellion Le Français tué à Benghazi accusé d'espionnage par la rébellion Cet ancien du 3e RPIMA était-il en mission pour le conseil national de transition (CNT), représentation politique, sur la scène internationale, de la rébellion libyenne ? Ou bien en charge d'espionner les rebelles dans leur fief pour Tripoli ? Ou encore chargé par Paris d'organiser la riposte au sol en appuyant les insurgés ? Ou enfin, sans commanditaire, à l'affût de contrats pour sa société militaire privé (SMP) Secopex, sur un marché extrêmement concurrentiel ?

L'affaire devrait en tout cas être à l'ordre du jour du samedi après-midi de Nicolas Sarkozy. Le président de la République reçoit en effet à l'Elysée, à 15h30, le Premier ministre du Conseil national de transition libyen Mahmoud Jibril.

Une grande villa louée à Benghazi

Le fondateur de la Secopex, une société de sécurité privée à visée militaire installée à Carcassonne (Aude), était arrivé du Caire le mercredi soir. Après 16 heures de route, il avait rallié la grande villa que Secopex louait depuis quinze jours aux abords de la ville de Benghazi «dans le but d'y installer une filiale», baptisée CSA International. L'ancien adjudant-chef, Croix de la valeur militaire pour ses missions au Liban en 1982, au Rwanda en 1994, et Bosnie-Herzégovine en 2001, selon le journal L'Indépendant, est ressorti dans la nuit, avec cinq autres Français, pour se rendre à 30 km de Benghazi, dans une zone à risques, pour une raison que personne ne justifie pour le moment, selon certaines sources. Il sortait d'un restaurant de Benghazi, selon d'autres.

Coïncidence ou guet-apens ? Un contrôle dégénère à un barrage de miliciens de la rébellion et Marziali, touché d'une à deux balles à l'abdomen, succombe à ses blessures. Les cinq autres paramilitaires français sont officiellement aux mains du CNT, qui les soupçonne d'espionnage au profit du camp Kadhafi.

«Nous voulions ouvrir un couloir sécurisé entre Le Caire et Benghazi pour convoyer des hommes d'affaires, des journalistes, etc, a expliqué Robert Dulas à Libération. Nous avons loué une villa à cet effet. Le CNT nous a également demandé de faire de la formation», assure ce co-responsable de la Secopex. Plus connu sous le nom de «Bob», Dulas est un ancien conseiller du président ivoirien, décédé, Robert Gueï, et du Centrafricain François Bozizé. C'est un fin connaisseur de l'Afrique, qui aurait des réseaux étendus parmi les Touaregs, les mêmes que la France utiliserait pour épier les mouvements d'Aqmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique, dans l'immense désert du Sahel.

«Ils mangent à tous les râteliers»

Paris pouvait-il ignorer leur présence en Libye ? Selon Libération de ce samedi, les hommes de Marziali étaient très visibles à Benghazi, arborant des vestes beiges siglées de la Secopex, dans les hôtels fréquentés par les officiels du CNT, la presse internationale, et sans doute quelques loyalistes. Parmi eux, un certain «Pierre» allait à la rencontre de tout un chacun. Il s'agit de Pierre Martinet, ancien de la DGSE française, qui avait avoué dans un livre noir publi en 2005 avoir espionné Bruno Gaccio, l'un des auteurs des Guignols de l'Info, pour le compte de Canal + qui l'employait. Dulas affirme même que « personne n’a tenté de nous dissuader de proposer nos services à Benghazi », évoquant même un « feu orange » de la part des autorités françaises.

Sans être mandatés - même officieusement - par la France, ou laissés libres d'agir «pour voir», les anciens militaires de la Secopex auraient pu être les victimes de leur double jeu. «Ils sont très mal vus dans le monde militaire, ils mangent à tous les râteliers, il n'y a aucune éthique. Ils accepteront de travailler pour un chef d'Etat sanguinaire comme pour ses adversaires, pourvu qu'ils soient payés», a expliqué à l'AFP un officier français qui a été approché par cette société pour former des milices privées en Côte d'Ivoire. Selon lui, la Secopex avait conclu un «juteux contrat» avec Laurent Gbagbo quelques jours avant sa chute. Les hommes de la Secopex «sont très mal vus dans le milieu. Ils confondent leurs activités, ils baignent dans des missions pas claires. C'est un peu comme les chasseurs de primes du Far West», poursuit l'officier, qui reconnaît toutefois la qualité de leurs techniques et leur professionnalisme.
le parisien