mercredi 25 mai 2011

Au Maroc, les jeunes du 20 février restent mobilisés

Au Maroc, les jeunes du 20 février restent mobilisés

Maroc trocaderoA un mois du rendu des conclusions de la commission de réforme de la Constitution formée par le Roi Mohamed VI à la suite de son discours du 9 mars, le mouvement du 20 février au Maroc, qui appelle à des réformes politiques radicales dans le royaume, entendait bien ne pas relâcher la pression. Il avait appelé sur sa page Facebook à une nouvelle journée de manifestations et de sit-in dans l'ensemble du pays le dimanche 22 mai.

Quelque 78 manifestations étaient ainsi prévues malgré l'interdiction de manifester décrétée par le gouvernement, rapporte le journal électronique Lakome. Ces manifestations, peu relayées dans les médias, ont été couvertes en direct sur le site Mamfakinch, sympathisant du mouvement de contestation. Face à l'intervention des forces de l'ordre pour disperser les manifestants, une certaine radicalisation était à craindre. Les manifestations se sont dispersées en fin de journée.

Manifestation à Sabta, une banlieue de Casablanca, le 22 mai 2011.

S'il semble avoir pris de l'ampleur depuis la dernière manifestation du 24 avril, le mouvement du 20 février reste encore minoritaire au sein de la population marocaine. Nombreux sont ceux qui invoquent en effet "l'exception marocaine" et la volonté de réforme du Roi pour rejeter ce mouvement. Ainsi, le blogueur Citoyen Hmida salue, dans une note de blog, le changement insufflé par les jeunes du 20 février, mais, interroge-t-il : "le modèle du printemps arabe est-il le bon ?"

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Selon lui, "le Maroc s’est engagé, avec beaucoup d’enthousiasme et aussi beaucoup de difficultés, dans la phase de 'transition démocratique' : pour parvenir à la phase de 'consolidation démocratique', il lui faut subir encore des épreuves et dépasser encore des défis ! Ce n’est pas en perdant notre temps dans les manifestations de rues, à hurler des slogans et à brandir des banderoles que nous y arriverons ! Pour parvenir à sortir de la situation, le trajet est tracé et les étapes imposées sont déjà signalées : référendum constitutionnel, élections législatives de 2012, élections régionales !"

Pourtant, certains s'inquiètent déjà, à l'instar de Maghrebi, auteur du Maghreb blog, d'événements qui font craindre une "marche-arrière de l'Etat par rapport à ces progrès du début et un engagement fébrile à des réformes véritables". Il cite l'arrestation du rédacteur en chef du quotidien Al-Massae, Rachid Nini, ainsi que la répression des manifestations organisées le 15 mai dans le centre de détention de Temara.
Dispersion de la manifestation de Tanger par les forces de sécurité, le 22 mai 2011.

UN MOUVEMENT DANS LE "FLOU" ?

Un autre handicap dont pourrait pâtir le mouvement du 20 février tient, selon le journaliste Souleimane Bencheikh, aux défauts inhérents d'un mouvement "multiforme". "Unis dans la rue pour réclamer le changement, ses ténors ne sont d’accord ni sur les moyens d’y parvenir ni même sur les objectifs. Forum citoyen pour le changement démocratique, Cercle des journalistes indépendants… les initiatives surfant sur la vague du 20 février fleurissent, sans doute pas toutes promises au même destin", analyse-t-il dans un article pour L'Express reproduit sur son blog Maroc, un certain regard.

"Jeunes, inexpérimentés, idéalistes mais sincères, les jeunes des différentes coordinations régionales commencent à perdre leur autonomie pour ne pas dire identité après une dizaine de marches plus ou moins réussies", renchérit Abdelkarim Chankou, sur son blog Croque Cactus. La faute à quoi ? "Ce sont les vieux partis politiques qui sont passés à l'attaque après quelques semaines de danse du ventre pour séduire ce gisement de voix ou machine à élire", poursuit-il.

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Une critique également exprimée en interne par Hamza Himkat, étudiant, qui sonne "l'heure de l'autocritique". Sur le site du journal électronique Lakome, il regrette que l'objectif premier d'instaurer une monarchie parlementaire au Maroc "commence à disparaitre du discours des 'portes paroles' du mouvement au profit de nouvelles revendications moins prioritaires". "Au lieu de concentrer les efforts sur cet objectif ultime, le mouvement a commencé à disperser ses forces en revendiquant plusieurs causes sociales et humanitaires et en multipliant le nombre de manifestations qui s'éloignent de son objectif initial principal", poursuit-il.

Manifestation sur le parvis du Trocadéro, à Paris, le 22 mai 2011.

LE MUR DE L'INDIFFERENCE

Malgré le "flou", "l'amalgame" et la "soumission" du mouvement, "il faut être aveugle et sourd, sinon complètement bouché, pour dire que depuis le 20 février 2011, rien n’a changé au Maroc !", reconnaît Citoyen Hmida dans une autre note de blog. "Rien n'est perdu : le mouvement a libéré la parole, il a permis une prise de conscience, il a ranimé le feu sacré du débat politique ! Ce serait malheureux que cela disparaisse dans la magouille politique qui a caractérisé le pays depuis l'indépendance".
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