jeudi 7 avril 2011

une mère coiffée d'un simple foulard n'a pu entrer dans le collège de son fils

L'interdiction du voile intégral n'entre en vigueur que le 11 avril mais entraîne déjà la confusion. Dans l'Hérault, une mère coiffée d'un simple foulard n'a pu entrer dans le collège de son fils. La concierge de l'établissement Via Domitia, à Poussan, lui en a interdit l'accès au nom de cette loi.

Fatima Ouhamma n'en revient pas de l'interdiction qui lui a été formulée. Cette mère de famille voilée n'a pu se rendre au rendez-vous fixé avec la professeure principale de son fils le 4 avril. Au téléphone, elle raconte :

« Lorsque je me suis présentée à la grille de l'établissement, la concierge a dit que ce n'était pas possible pour moi de rentrer car je suis voilée et que “c'est la loi”. »

Finalement autorisée à entrer… par la porte de derrière

Après un échange houleux, la directrice proposera à la maman de rentrer par la porte qu'utilisent les professeurs, à l'arrière du collège. Une suggestion qui a scandalisé Fatima Ouhamma :

« J'ai refusé car je trouve ça dégradant et discriminant. Je ne suis pas une criminelle, je n'allais pas tuer des enfants dans la cour !

La direction ne voulait pas que les enfants me voient, mais tout le monde me connaît et sait que je porte le voile. »

Enervée par ce refus, la directrice a, selon Fatima Ouhamma, fini par se déplacer et jeter certains documents de son fils par terre. Contactée par Rue89, la directrice n'a pas pris l'appel, « trop occupée » en ce mercredi matin.
Une confusion de la loi interdisant le port du niqab

Avec deux enfants scolarisés dans l'établissement, ce n'était pas la première fois qu'elle honorait un rendez-vous. Jamais l'accès au collège ne lui avait encore été refusé.

Selon Sandra Canal, journaliste de Midi Libre qui a interrogé la concierge mardi, il est clair que l'employée s'est emmêlé les pinceaux, confondant voile avec niqab. Dans son article, elle cite la concierge :

« Regardez madame, ce sont les directives du gouvernement affichées sur cette circulaire que vous pouvez lire. C'est la loi du 11 octobre 2010. »

La circulaire évoquée est bien celle interdisant le niqab dans les lieux publics, qui de toute façon n'est pas encore entrée en application.
L'islam, une « religion franchement dangereuse et agressive »

Pour Fatima Ouhamma, il n'est pas impossible qu'un amalgame ait été fait avec la loi sur le voile intégral :

« Je crois qu'il y a une confusion générale, une mésinterprétration de cette circulaire. Mon visage est découvert, on me reconnaît, je ne porte en aucun cas le niqab. »

Au collège Via Domitia, la concierge refuse de s'exprimer sur le sujet. Excédée par article paru ce mercredi dans Midi Libre, elle lâche tout de même, sur un ton tonitruant :

« La seule chose que je peux dire c'est que si je dois choisir une religion, je ne prendrai pas l'islam car elle est franchement dangereuse et agressive. »

Le voile, autorisé pour les parents d'élèves

La décision prise par l'établissement est illégale, comme le rappelle Catherine Gwizdziel, secrétaire académique du Syndicat national des personnels de direction de l'Assemblée nationale (SNPDEN) :

« Il n'y a aucune raison d'interdire à un parent d'entrer voilé dans l'établissement, aucune loi ne l'interdit. »

La loi de mars 2004 sur le port de signes religieux à l'école concerne en effet les élèves, en aucun cas leurs parents (pour le moment : une des 26 propositions de Jean-François Copé est d'interdire le port du foulard aux mères accompagnant les sorties scolaires).
Selon la Cimade, une confusion qui se répétera à l'avenir

Pour Christophe Perrin, chargé de la lutte contre les discriminations à l'antenne de la Cimade à Montpellier, le débat lancé par l'UMP et la « surenchère de certains politiques » sur l'islam vont provoquer ce genre d'amalgames à l'avenir :

« Comme cette concierge ou cette principale, certains ont compris de travers la circulaire, ou bien ils s'en servent pour sortir de la neutralité à laquelle ils sont tenus dans leur cadre professionnel. »

Le responsable affirme que les plaintes contre des discriminations envers les personnes voilées sont de plus en plus nombreuses. La Cimade, qui s'est entretenue avec la mère d'élève exclue, assure ainsi suivre de très près la suite des évènements. Si elle le souhaite, il est possible pour elle de porter plainte contre l'établissement.

Jeudi a lieu une rencontre parents-professeurs. Déterminée, Fatima Ouhamma prévient :

« J'ai appelé des mères d'élèves qui sont aussi voilées, on va toutes venir, on verra bien s'ils nous laisseront entrer.

Ce qui est sûr, c'est qu'on ne va pas laisser passer cela. Il ne faut pas penser à nous, mais aux enfants : si on vient aux réunions, c'est pour leur avenir, que se passera-t-il si on nous interdit cet accès ? »

Car cette mère a une certitude : elle n'ira pas au collège sans son voile sur la tête.

Baudry sur le voile à l'école.
rue89