jeudi 28 avril 2011

syndicaliste menacé d'exclusion de la CFDT faisant le salut nazi devant le panneau de la ville de Vichy

Alors que Marine Le Pen a entrepris une grande opération de nettoyage au sein du FN, Rue89 a retrouvé la photo d'un candidat aux cantonales et syndicaliste menacé d'exclusion de la CFDT faisant le salut nazi devant le panneau de la ville de Vichy.

« Je ne suis qu'un simple homme » : c'est ce que Daniel Durand-Decaudin a déclaré quand je lui ai téléphoné pour lui demander ce qu'il faisait le bras levé devant un panneau de la ville de Vichy. Sous-entendu : je n'ai pas de responsabilité politique, pourquoi venir me chercher des noises avec une photo privée ?

Mais voilà : monsieur Durand cristallise autour de sa personne les ambiguïtés les plus récentes du Front national. Il a été candidat aux dernières élections cantonales en Moselle, où il se présentait sous l'étiquette Front national. Il n'a pas été élu mais il a obtenu un honorable score de 35,8%. Il est également syndiqué CFDT. Et risque l'exclusion de ce syndicat pour son appartenance au FN.
« Je ne suis pas nazi. Je suis gaulliste »

Au téléphone, cet ancien légionnaire commence d'abord par nier être jamais allé à Vichy, puis se souvient y être « passé » à l'été 2010 pour rejoindre un festival de country en Ardèche. Ça explique son chapeau, dit-il :

« Faire un salut nazi à Vichy, c'est montrer qu'on est contre Pétain. J'ai fait ça comme une blague à ma femme, elle est thaïlandaise.

Je ne suis pas nazi. Je suis gaulliste. D'ailleurs, quand on m'a proposé d'être candidat, j'ai dit oui parce que Marine, ça change de Jean-Marie Le Pen. J'ai dit que je voulais bien à condition de ne pas me retrouver dans des réunions avec des gens qui prônent des choses horribles. On m'a dit “non, ne t'inquiète pas, ça ira”.

Cette histoire de photo, c'est pour essayer de déstabiliser le FN. Moi, j'ai la conscience tranquille. »

Cette explication fait rire certains proches de Daniel Durand-Decaudin, qui le décrivent comme un homme très sympathique mais « extrémiste, obsédé par les questions de race ». Une description du militant type dont Marine Le Pen dit ne plus vouloir dans son parti. Pour le prouver, la présidente du FN a décidé d'exclure du parti Alexandre Gabriac, candidat aux cantonales à Grenoble, dont une photo avait circulé le montrant faisant le salut hitlérien devant un drapeau nazi.
« Le FN est un parti reconnu »

Mais comment peut-on être frontiste, faire des saluts hitlériens et être à la CFDT ? Daniel Durand-Decaudin ne voit pas très bien où est le problème : « J'ai toujours voté FN et j'ai toujours été syndiqué. » Le candidat malheureux aux cantonales est notamment passé chez FO et Sud.

Mais les syndicats, eux, ne veulent pas des frontistes chez eux. Le 6 avril dernier, Fabien Engelmann, un autre candidat aux cantonales sous l'étiquette Front national, a été exclu de la CGT, et son syndicat de Nilvange (Moselle) a été dissout. La raison est simple : « incompatibilité de valeurs ».

Thierry Gourlot, cofondateur avec le vice-président du FN, Louis Aliot, du Cercle national de défense des travailleurs syndiqués (CNDTS), lui-même à la CFTC, s'emporte contre la position de l'intersyndicale (CGT, CFDT, Unsa, Solidaires et FSU) affirmant que « la préférence nationale n'est pas compatible avec le syndicalisme » :

« Ils parlent de la préférence nationale qui serait discriminatoire, mais c'est une préférence citoyenne. Tous les pays du monde font ça et ça ne choque nulle part ailleurs qu'en France. C'est un faux procès. Relisez ce que disait Marchais dans les années 80. Le FN n'est ni raciste, ni xénophobe, ni antisémite, ni hors la loi, ni interdit. »

Daniel Durand-Decaudin juge lui aussi la position de la CFDT injuste :

« Les syndicats se mettent hors la loi et même hors de leurs propres statuts. La CFDT dit défendre des valeurs fondamentales mais pas dans mon cas puisque je suis inquiété pour mes opinions politiques.

Si j'appartenais à une secte ou une organisation interdite, d'accord, mais le FN est un parti reconnu. Je n'ai de leçons à recevoir de personne, j'ai des valeurs. J'ai été éducateur. Je me suis battu pour des jeunes, je me foutais de leur couleur et de leur religion.

Quand, dans les années 95, des syndicats ont été crées par le FN puis interdits parce qu'ils véhiculaient des idées politiques via le syndicat, j'étais d'accord. Il ne faut pas confondre les rôles. Celui d'un syndicat est de défendre les salariés, le rôle d'un parti c'est de défendre des idées. »

On adhère à un syndicat pour sa pomme

C'est précisément cette approche clientéliste des syndicats – un simple rôle d''agence sociale » selon Pierre Rosanvallon – qui explique la nouvelle diversité politique en leur sein, indique l'historien Stéphane Sirot :

« Depuis 1989, on constate une désertion du champ politique de la part des organisations syndicales. Avec le “recentrage du syndicalisme” à partir des années 90, les syndicats sont passés de la confrontation au réformisme. On cogère les réformes plus qu'on ne s'oppose au pouvoir politique. Le syndicat est dans la revendication immédiate mais il n'est plus du tout porteur d'utopie ou de projet politique au sens étymologique du terme.

C'est cela qui a créé la déliquescence du politique dans les syndicats. On n'adhère plus à un syndicat parce qu'idéologiquement, on s'en sent proche. On adhère parce qu'on voit les gains immédiats que cela peut apporter. »

La « stratégie d'entrisme » du FN dans les syndicats

Stéphane Sirot met en garde contre l'« impression » de nouveauté liée à l'exposition médiatique des quelques syndicalistes du FN :

« Le phénomène n'est pas nouveau. Les syndicats n'échappent pas aux évolutions politiques de la société et au phénomène d'enracinement du FN dans la société française.

A la dernière présidentielle, à la CGT, on avait plus voté FN que PCF et ça s'est solidifié ces dernière années parce que le discours antimondialisation du FN trouve un écho dans le monde du travail.

En revanche, ce qui est nouveau, c'est la stratégie d'entrisme du FN. Le FN va encourager ses militants à aller dans les syndicats. C'est dangereux pour eux d'autant que ce n'est pas très compliqué d'avoir des responsabilités syndicales rapidement. »

La décision de la CFDT Santé-Sociaux de Moselle concernant l'exclusion ou non de Daniel Durand-Decaudin sera rendue le 24 mai.

rue89