samedi 23 avril 2011

M. Yadh Ben Achour à Paris: «les Tunisiens de l’étranger voteront bel et bien»

M. Yadh Ben Achour à Paris: «les Tunisiens de l’étranger voteront bel et bien»
18 Avril 2011 Par Meryem Belkaïd

M. Yadh Ben Achour, président de L'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, a été invité à participer à un séminaire de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), ce lundi 18 à Paris, intitulé «définir les règles de la transition démocratique en Tunisie». Une partie de ce séminaire était ouverte aux journalistes.
--------
La délégation tunisienne comprenait notamment, Ghazi Gheraïri, porte-parole de L'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, Ahmed Zarrouk, Directeur Général de la Fonction Publique auprès du Premier Ministère et Coordonnateur National du Programme MENA-OCDE pour la gouvernance, et Khalil Ghariani, membre du Conseil de l'Instance et représentant du secteur privé.

Ghazi Gheraïri a commencé son intervention par quelques considérations générales relatives à la Tunisie rappelant que le pays depuis longtemps fait figure d'exception dans la région, notamment en raison du niveau élevé d'éducation de la population, du statut de la femme depuis 1956 (date de l'instauration du Code du Statut Personnel) et de la politique de planning familial que l'on ne cite pas suffisamment. Le porte-parole de L'Instance a rappelé que le processus de démocratisation en cours était un véritable défi dont l'aboutissement pourrait toucher l'ensemble de la région. La Tunisie est donc aujourd'hui face à une responsabilité plus large qu'elle tente de porter humblement.

M. Gheraïri est ensuite revenu sur les étapes qui ont mené à la constitution de l'actuelle Instance qui bénéficie aujourd'hui d'un certain assentiment et qui a été en mesure de présenter un projet de décret loi que M. Gheraïri a présenté dans ses grandes lignes.

Il a rappelé d'abord, la constitution d'une Haute autorité indépendante pour les élections qui sera composée de 15 membres issus des différents secteurs de la société et élus par la Haute instance, chaque secteur présentant un nombre de candidats équivalent au double du nombre de siège prévu par secteur. Cette Haute autorité constitue une rupture de principe avec le passé car désormais le pouvoir exécutif n'aura plus voix au chapitre dans l'organisation des élections qui jusque là relevaient de la responsabilité du ministère de l'intérieur.

Il a ensuite présenté dans ses grandes lignes, le projet de loi électorale et le mode de scrutin dont la Haute Instance propose qu'il soit par liste et à la proportionnelle avec un représentant pour 60 000 habitants, y compris les Tunisiens à l'étranger. La Haute commission a par ailleurs prévu l'inéligibilité d'une partie du personnel politique du RCD, ancien parti au pouvoir. Enfin s'inscrivant dans la tradition des réformateurs de la deuxième moitié du XIXe siècle, la Haute Instance a inscrit dans le projet de loi le principe de parité.

Ces derniers volets du projet de décret-loi ne vont pas sans susciter des tensions. Il y a d'abord comme l'a rappelé M. Gheraïri des demandes qu'il a qualifié de maximalistes et qui veulent étendre l'inéligibilité à l'ensemble des adhérents du parti et des demandes minimalistes qui veulent revenir sur cette exclusion.

M. Ghraïri a rappelé pour finir qu'il reste à la Haute instance à travailler sur d'autres textes notamment sur:

- Le droit des associations et des partis politiques.

- La régulation des médias afin d'éviter d'éventuelles dérives et un rôle positif et égalitaire des médias pendant la campagne électorale à venir.

Répondant aux diverses questions que lui posait la salle, M. Ben Achour est revenu sur le projet de décret loi et a insisté sur le fait qu'aucun mode de scrutin ne pouvait être parfaitement satisfaisant et qu'il ne fallait pas aujourd'hui perdre de vue que la Tunisie est en passe de voir naître la première loi électorale permettant des élection libres et démocratiques. Il ne faut pas a-t-il rappelé faire de questions de détails des questions de principe et tâcher avant tout de mesurer l'importance du pas franchi.

Il a exprimé son inquiétude face à la réaction du gouvernement concernant le projet de loi. Il a noté que certains membres du gouvernement ont été éduqués dans l'ancien régime, ce qui expliquerait leurs réticences concernant l'exlusion des anciens dirigeants du RCD lors des prochaines élections. Il craint également que certains membres de la direction politique n'aient pas pris conscience que beaucoup de Tunisiens ne sont pas prêts à voir l'ancienne machine politique se recycler et continuer à fonctionner comme s'il ne s'était rien passé. Si les morts de 1978 (jeudi noir : plus de 200 morts) de 1984 ( Emeutes du pain plus de 300 morts) n'ont jamais permis une chute du régime, il semblerait bien que 2011 soit le rendez-vous que les démocrates tunisiens ne veulent en aucun cas manquer.

L'exclusion des prochaines élections de certains membres du RCD relève donc selon M. Ben Achour d'une responsabilité historique. Il a rappelé à cet égard à quel point l'ancien parti au pouvoir a perverti les Institutions, investi l'Etat et jusque l'Université que le régime de Bourguiba «épargnait». Il y a donc des choses qu'on ne peut oublier et nier.

Concernant les modalités de vote des Tunisiens de l'étranger M. Ben Achour a réaffirmé que les Tunisiens de l'étranger qui jusque là ne s'exprimaient que lors des présidentielles voteront bel et bien pour l'Assemblée constituante. Les pays concernés seront certainement ceux qui comptent au moins 60 000 Tunisiens sur leur territoire. Mais l'organisation technique et logistique d'un tel vote pose certaines difficultés. Une équipe formée des membres de la Haute instance, de membres du Ministère des affaires étrangères et de la Commission nationale de l'informatique travaillent à la mise en place des modalités du vote. Il n'est pas à exclure que le vote des Tunisiens à l'étranger soit différé d'un mois et 15 jours par rapport au vote des Tunisiens sur le territoire.
mediapart