mardi 5 avril 2011

le ministre de la culture et de la communication se devait d'effacer les propos qu'il a tenus

La première étape, venir en Tunisie, passer une nuit dans sa maison d'Hammamet, rencontrer des ministres, avait été franchie la veille. La seconde, affronter des journalistes tunisiens, s'annonçait plus délicate. Dimanche 3 avril, dans le salon d'un grand hôtel de Tunis, Frédéric Mitterrand a respiré un bon coup avant de se lancer, risquant en aparté cette boutade mi-figue mi-raisin : "le retour de Fredo, c'est bon ça, non ?"

En moins d'une heure, le ministre de la culture et de la communication se devait d'effacer les propos qu'il a tenus, quatre mois plus tôt, lorsque le 9 janvier, au beau milieu de la répression du soulèvement tunisien, il avait jugé "tout à fait exagéré" de qualifier le régime de Ben Ali de "dictature univoque". Sa lettre d'excuses publiée après coup dans la presse n'avait rien changé à l'amertume déclenchée par les propos du responsable français auquel l'ancien président Ben Ali avait accordé la nationalité tunisienne. "Je sais que celui qui vous parle a suscité une déception forte, je le sais et j'en ai souffert", a commencé Frédéric Mitterrand avant de réclamer l'indulgence de son jury-auditoire. "Je n'ai jamais touché d'argent, a-t-il souligné, et cette nationalité tunisienne que je suis fier d'avoir, je l'ai pratiquée et il faut le prendre en compte."

Mea culpa

Le ministre a déroulé son engagement et ses actions en faveur du cinéma et de la culture tunisienne, multipliant au passage les références devenues aujourd'hui incontournables. "Je connais Kasserine, Sidi Bouzid (villes du centre à l'origine de la révolution tunisienne), je connais même l'hôtel de Kasserine où je pense que pas un Français n'a dormi depuis vingt ans..."

Livrant ses impressions sur le pays qu'il n'avait pas revu depuis la chute de l'ancien régime, le ministre en a rajouté en insistant sur la différence avec "avant" : "J'ai visité le chantier du Musée du Bardo, le plus beau de la Méditerranée, et tout d'un coup on était détendus... C'était fantastique, nous n'avions pas à dire toutes lesdix minutes : "c'est un projet présidentiel". Vous voyez bien de qui je veux parler..."

"Ce qui est en train de se passer dans ce pays est remarquable", a-t-il enchaîné. Venu avec quelques mesures d'aide au développement culturel dans sa mallette, Frédéric Mitterrand a également promis son soutien pour l'organisation d'une "grande fête musicale à Tunis dans un endroit emblématique, gratuite et diffusée en direct par une chaîne française", avant les élections pour une assemblée constituante prévues le 24 juillet.

Il en a tant et si bien fait pour crever l'abcès qu'il a franchi sans encombre l'épreuve des questions, au grand soulagement de l'ambassadeur de France, Boris Boillon, assis au premier rang. Pris lui-même dans la tourmente après des déclarations maladroites à son arrivée à Tunis, mi-janvier, le diplomate a dû également faire son mea culpa.
Isabelle Mandraud
lemonde