jeudi 28 avril 2011

la France et l'Italie se sont déclarées favorables à "des modifications" au traité de libre circulation de Schengen

Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi se sont rencontrés, mardi 26 avril, à Rome, pour essayer de ramener un peu de sérénité dans des relations franco-italiennes tendues par la crise libyenne, l'afflux d'immigrants d'Afrique du Nord et l'appétit de groupes français pour les entreprises transalpines.

A l'occasion de ce 29e sommet franco-italien, les deux pays ont annoncé un certain nombre de positions communes, s'évertuant sans cesse à prouver leur unité. Silvio Berlusconi a qualifié le sommet de "très très positif", qui a fait état de "fortes convergences" entre les deux pays. De même, Nicolas Sarkozy a affirmé que "les tensions qui sont apparues il y a quelques jours n'[avaient] pas lieu d'être" et que "l'Italie, pour nous, c'est plus que l'Europe : c'est un pays frère".

Sur le dossier le plus épineux, celui de la gestion des immigrants d'Afrique du Nord, la France et l'Italie se sont déclarées favorables à "des modifications" au traité de libre circulation de Schengen, "dans les circonstances exceptionnelles" actuelles, selon les termes du président du Conseil italien. Les deux pays ont envoyé une lettre commune à Bruxelles, qui détaille ces modifications souhaitées. "Nous voulons que Schengen vive, mais pour que Schengen vive, Schengen doit être réformé", a dit Nicolas Sarkozy. "Nous voulons le renforcement de son texte, nous voulons le renforcement de ses évaluations, nous voulons davantage de moyens pour que les frontières de l'espace Schengen soient garanties", a-t-il ajouté. "C'est justement parce que nous croyons en Schengen que nous voulons un renforcement de Schengen."

"LE SOUHAIT COMMUN DE CRÉER DE GRANDS GROUPES FRANCO-ITALIENS"

L'Italie a assuré soutenir la position française, expliquant que la France a fait un effort "plus important" que l'Italie en matière d'accueil d'immigrés tunisiens. Silvio Berlusconi a souligné que la France en avait accueilli "cinq fois plus" que son pays. Les pays de la rive sud de l'Union Européenne "ne peuvent être laissés seuls", a-t-il dit.

Au niveau international, les deux chefs d'Etat ont "adressé un appel commun à Damas, pour que la répression violente prenne fin et qu'une suite immédiate soit donnée aux mesures annoncées." Sur le plan économique, Silvio Berlusconi a déclaré que la France et l'Italie avaient "le souhait commun" de créer de "grands groupes franco-italiens".

Le chef de gouvernement italien n'a pas cité de noms d'entreprises, mais cette déclaration intervient alors que le groupe laitier français Lactalis, qui détenait déjà près de 29 % de Parmalat, a annoncé mardi matin le lancement d'une offre d'achat sur l'Italien afin de donner naissance au numéro un mondial du secteur. Rome avait adopté ces dernières semaines des mesures afin de bloquer l'offensive de Lactalis. Le chef du gouvernement italien s'est dit par ailleurs "convaincu" que l'"économie doit être libre".

LA FRANCE SOUTIENDRA MARIO DRAGHI À LA PRÉSIDENCE DE LA BCE

Le centre d'accueil des migrants tunisiens, à Vintimille.

Le centre d'accueil des migrants tunisiens, à Vintimille.Le Monde.fr

Par ailleurs, la France a annoncé qu'elle sera très heureuse de soutenir un candidat italien à la présidence de la Banque centrale européenne. "La France sera très heureuse de soutenir un Italien à la présidence de la Banque centrale européenne", a déclaré Nicolas Sarkozy. Citant "Mario Draghi [le gouverneur de la Banque centrale italienne – NDLR], que je connais bien", il a ajouté : "Nous ne le soutenons pas parce qu'il est Italien, nous le soutenons parce que c'est un homme de qualité." Le mandat de l'actuel président de la BCE, Jean-Claude Trichet, prend fin à la fin d'octobre.

L'unité affichée survient alors que plusieurs dossiers avaient semé le trouble entre les deux pays. Quelques jours avant la tenue de ce 29e sommet franco-italien, la France avait jeté un pavé dans la mare en annonçant qu'elle souhaitait revoir les "clauses de sauvegarde" des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes en Europe, afin de pouvoir rétablir, dans certains cas, des contrôles aux frontières nationales.

Le 17 avril, Paris avait suscité la colère de Rome en suspendant la circulation des trains depuis la ville italienne de Vintimille vers la France (lire notre reportage "Nice-Ville, terminus forcé pour les migrants tunisiens"). La France avait estimé qu'un train, avec à son bord des militants qui voulaient accompagner des immigrés tunisiens, posait un risque pour l'ordre public. Paris est en effet irrité par l'Italie, qui a décidé d'octroyer des permis de séjour de six mois aux plus de 20 000 Tunisiens arrivés sur ses côtes depuis janvier pour qu'ils puissent rejoindre "amis et parents" en France et ailleurs en Europe.

La Commission européenne planche sur les cas de recours aux contrôles aux frontières nationales

La Commission européenne va redéfinir les "conditions exceptionnelles" permettant aux Etats membres de Schengen de rétablir "temporairement" des contrôles à leurs frontières nationales, a annoncé mardi un porte-parole.

"Mais nous n'allons pas révolutionner quoi que ce soit", a-t-il averti. "Il s'agit d'aider à régler les différences d'interprétation" sur ces règles, a-t-il précisé.

Le rétablissement des frontières nationales pourra toutefois être autorisé en "dernier recours", si l'Etat en position de frontière extérieure de l'UE a "failli à ses obligations" en s'avérant dans l'impossibilité de les contrôler, a-t-on précisé de source communautaire.

La Commission européenne a reconnu que l'exercice était dicté par le contentieux opposant la France à l'Italie après la décision des autorités italiennes de régulariser 25.000 migrants tunisiens arrivés illégalement sur ses côtes
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