vendredi 22 avril 2011

La France a connu une nouvelle polémique sur l'apport économique des immigrés

La France a connu une nouvelle polémique sur l'apport économique des immigrés, et sur l'opportunité ou non de ralentir les flux migratoires. De semblables questions se posent-elles dans d'autres pays de l'OCDE ?

Il y a une très grande diversité des situations de migration dans les pays de l'OCDE, qui ne sont d'ailleurs pas forcément liées à la part des immigrés dans la population. Ainsi, en Finlande, le débat a été dernièrement assez virulent alors que le pays ne compte que 2,7 % à 2,8 % d'immigrés, contre 50 % au Luxembourg !

Certains pays, dont la France, ont une vieille tradition d'immigration et d'installation ; d'autres, comme l'Australie ou le Canada, ont fait de l'immigration un véritable outil de leur développement économique.

Il est donc légitime de vouloir réguler l'immigration en fonction de la situation économique ?

Il est bien sûr possible de déterminer quels sont les besoins structurels et conjoncturels de main d'œuvre ; mais ajuster en fonction de cela une politique d'immigration néglige deux réalités essentielles.

Premièrement, un gouvernement de l'Union européenne n'a de prise que sur l'immigration issue des pays tiers. Or, l'impact de l'immigration polonaise sur une économie est tout aussi important que celui de l'immigration algérienne par exemple. Cela a été le cas au Royaume-Uni ou en Irlande qui ont ouvert leurs frontières aux ressortissants d'Europe de l'Est en 2004 : les gains de productivité apportés par une main d'œuvre qualifiée, mais acceptant des emplois sous-qualifiés, y ont accéléré la croissance.

Deuxièmement, les populations immigrées, une fois sur le sol national, ont leur propre dynamique sur le marché du travail, et celle-ci échappe aux décisions politiques : elle ne relève que du jeu de l'offre et de la demande.

Dans quel sens joue-t-elle, en l'occurrence ?

Il n'y a aucune raison qu'un immigré ne puisse pas prendre un emploi meilleur que celui qu'il a accepté en arrivant, soit qu'il corresponde mieux à sa qualification d'origine, soit qu'il ait pu acquérir des compétences qui lui permettent de mieux se vendre sur le marché du travail.

Parce que nos pays sont démocratiques, parce qu'ils offrent un cadre institutionnel qui le permet, la promotion des immigrés est une réalité souvent cachée, invisible, alors qu'elle se vérifie dans les chiffres.

L'immigration n'est plus liée, comme ça a pu être le cas, à la segmentation du marché du travail, les immigrés faisant, en gros, les "sales boulots", même si ça peut être encore fréquemment le cas.

Ils se diffusent au fil des ans dans des segments de qualification beaucoup plus variés ; leurs enfants, en particulier, prennent des emplois dans les services (tourisme, santé, social, éducation) quand leurs parents étaient dans l'industrie. Le rôle des mariages immigrés-nationaux est aussi très important dans ce domaine.

L'apport économique de l'immigration se mesure à long terme, et non par ses effets immédiats. Dans ces conditions, une politique de migration "sélective" (réservée à certains secteurs ou qualifications "en pénurie") ne résout pas grand-chose…

Mais les immigrés ne restent-ils pas largement majoritaires dans les emplois les moins qualifiés ?

Certes, mais il s'agit des nouveaux arrivants. C'est pourquoi interrompre le flux migratoire serait un mauvais coup porté au fonctionnement du marché du travail : cela bloquerait la promotion professionnelle des immigrés plus anciens, mais aussi des nationaux, car il faudra toujours occuper ces postes sous-qualifiés. Ce sont les nouveaux immigrés qui assurent, par la mobilité que l'on exige pourtant si souvent des travailleurs nationaux, la fluidité du marché du travail.

La crise économique n'a-t-elle pas grippé cette mécanique ?

Elle frappe effectivement en premier les secteurs où sont concentrés les immigrés. Mais quand il n'y a plus de travail, les flux migratoires se ralentissent naturellement, et les migrations temporaires se font moins fréquentes.

L'ajustement ne se fait pas par la décision politique. Mais il s'agit de situations conjoncturelles. Le vieillissement des pays de l'OCDE et les besoins de flexibilité du marché du travail font de l'immigration un besoin structurel.
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