mercredi 30 mars 2011

Le gouvernement a démissionné mardi afin de permettre au président Bachar el-Assad de constituer une nouvelle équipe

Le gouvernement a démissionné mardi afin de permettre au président Bachar el-Assad de constituer une nouvelle équipe à même d'appliquer les mesures de libéralisation promises, à la suite d'un mouvement de contestation sans précédent en Syrie depuis un demi-siècle. Dans le même temps, le pouvoir a mobilisé des centaines de milliers de personnes pour afficher la popularité du chef de l'État, qui doit annoncer incessamment à la nation une série de mesures figurant parmi les revendications des protestataires, notamment l'abrogation de l'état d'urgence, la libéralisation de la presse et l'instauration du pluralisme politique.

"Le président Assad a accepté aujourd'hui la démission du gouvernement de Mohammad Naji Otri et lui a demandé d'expédier les affaires courantes", selon l'agence officielle Sana. Le président syrien a néanmoins reconduit le Premier ministre sortant au poste de chef du gouvernement par intérim, annoncent les médias officiels syriens. Le cabinet, qui comptait, outre le Premier ministre, 32 ministres et secrétaires d'État, était en place depuis 2003. Le dernier remaniement remonte à octobre 2010. Bachar el-Assad s'adressera mercredi au Parlement, selon un responsable syrien. La Syrie est régie par un système présidentiel et le gouvernement applique les directives du chef de l'État. La composition du nouveau cabinet devrait être connue d'ici la fin de la semaine.

Manifestation de soutien

Brandissant des forêts de drapeaux syriens et des portraits du président Assad, une foule a convergé à pied ou en bus sur la place des Sept-Fontaines, à Damas, face à l'imposant bâtiment de la Banque centrale où a été tendu un immense portrait du chef de l'État. "Dieu, la Syrie, Bachar et c'est tout", "par notre âme, par notre sang, nous nous sacrifierons pour toi, Bachar", scandaient les manifestants. Il s'agit des plus importantes manifestations depuis l'arrivée au pouvoir de Bachar el-Assad, en 2000, où il avait succédé à son père Hafez qui dirigeait le pays depuis 1970. Les manifestants s'en sont pris aussi aux médias qu'ils taxent de partialité. "Vous êtes venus pour voir des protestations en Syrie, mais aujourd'hui, vous voyez la protestation de la Syrie", a affirmé à une journaliste de l'AFP Rajah, étudiant à l'université de Damas.

Une pancarte dit "oui aux réformes, non à la dissension confessionnelle". La Syrie est un pays multiconfessionnel et multiethnique, avec notamment les sunnites qui sont majoritaires, les alaouites qui tiennent les rênes du pouvoir, les chrétiens et les Kurdes. La télévision publique a montré des rassemblements identiques dans les principales villes, à l'exception de Lattaquié, principal port de la Syrie, où les autorités avaient demandé de ne pas se rassembler pour des raisons de sécurité.

Violences

Durant le week-end, des hommes armés avaient ouvert le feu sur la population à Lattaquié, faisant 13 tués parmi les militaires et les civils et 185 blessés. Le régime a accusé les intégristes musulmans. À Deraa, épicentre de la contestation, 300 personnes ont manifesté mardi contre le pouvoir en scandant "révolution, révolution", "oui à la liberté, non au confessionnalisme" et "Dieu, la Syrie, la liberté". La levée de l'état d'urgence n'aura qu'une portée symbolique si elle ne s'accompagne pas d'autres réformes importantes, estiment des analystes. "Dans la situation actuelle, il faudrait une réforme radicale de la répartition du pouvoir", selon Faysal Itani de l'institut britannique Exclusive Analysis.

Pour Nadim Houry, chercheur à l'organisation Human Rights Watch, basée à New York, "même si cela représente, bien sûr, un pas en avant, beaucoup d'autres réformes sont nécessaires pour que les Syriens puissent jouir d'une liberté qu'ils méritent".
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