lundi 28 mars 2011

Brassens ou la liberté", du 15 mars au 21 août à la Cité de la musique (19e).

Brassens, vie héroïque

Avec la complicité inattendue de Joann Sfar, la Cité de la musique célèbre le chanteur sétois sur un mode ludique.

Comment restituer la vie et l’aura de Georges Brassens dans une exposition? Comment dépasser les clichés qui collent à cet ami des chats et de la langue française? La question titille la Cité de la musique lorsque, l’an dernier, elle envisage de célébrer l’artiste disparu voilà pile trente ans. La commissaire, Clémentine Deroudille, pense alors à Joann Sfar, ce dessinateur de BD, mélomane avéré qui a signé le film Gainsbourg: vie héroïque.

Bonne pioche. Sfar apprécie sa "pensée anticléricale, libertaire mais pas enfermée dans une doctrine, tout à fait intelligible pour les enfants". Une dimension qui transparaît clairement dans l’exposition, parsemée de "dispositifs ludiques" incitant les plus jeunes à parler de travers, voler des bijoux ou se découvrir moustachu… Le coup de crayon de Sfar, fantaisiste et volontiers farceur, prolonge ce parcours jusqu’à lui donner l’air d’un grand livre ouvert alors que la scénographie, elle, suggère plutôt une forêt, façon décor de cinéma. Ce voyage vers l’imaginaire n’élude pas les méandres de la vie et de l’œuvre du poète, né à Sète en 1921 et devenu soudain, en 1951, la vedette que l’on connaît.
"Un ascète bon vivant et bon déconneur"

Auparavant, Brassens a vécu, et plutôt bien, au défi de ses origines modestes et déboires divers – pincé pour cambriolage à 17 ans, évadé d’Allemagne en mars 1944… "Il est alors un travailleur acharné, et un dandy qui se cherche encore", estime la commissaire. Impasse Florimont, dans la charmante courée du 14e, que Brassens habita de 1944 à 1966 (et que son seul ayant droit, Serge Cazzani, conserve toujours en l’état), Clémentine Deroudille a trouvé les traces d’une vie souvent fauchée, simple et féconde, entourée de livres et de tous ces animaux recueillis par Jeanne, l’amie de toujours qui inspira la Cane…

Ses livres de jeunesse et manuscrits – rigoureusement tenus – y sont intacts. L’exposition permet aussi de découvrir les films en super-huit, que Brassens réalisait lui-même, en complément des archives INA, autres moments forts où l’on voit le chanteur en grande discussion avec Jean Ferrat. Le tout est, d’ailleurs, l’objet d’un tout nouveau coffret DVD incluant son concert inédit de 1969 à Bobino (INA-Mémoire vive). "Entrer dans l’impasse, poursuit Deroudille, c’est entrer au cœur de l’œuvre d’un ascète qui était aussi un bon vivant, un bon déconneur." Un mode de vie dont il ne se départira jamais, même au faîte de sa gloire, fidèle entre tous à son éthique d’artiste obstiné et n’éprouvant aucun attrait pour l’argent. Libertaire avant tout, copain d’abord.

"Brassens ou la liberté", du 15 mars au 21 août à la Cité de la musique (19e).