mercredi 30 mars 2011

Azzedine Alaïa dessine et coupe tout lui-même

Louise de Vilmorin lui a présenté le Tout-Paris, Tina Tuner demeure une amie de longue date. Jean Todt est un vieux complice du créateur. Quant à Erik Orsenna, il compte parmi ses innombrables admirateurs. Cet éclectisme est justement à l'image du couturier et de son univers. Peu prolixe sur sa personne, Azzedine Alaïa préfère parler art ou architecture du vêtement. Il se transforme alors en amphitryon, réunissant dans sa cuisine ses visiteurs pour lesquels il se met aux fourneaux. La convivialité tunisienne en mode parisien.

La Tunisie, où il naît et grandit, reste intrinsèquement liée au destin de cet époustouflant créateur. Fils de fermiers, le jeune Azzedine commence par étudier la sculpture. Mais il n'excelle guère en la matière. Ce qu'il aime, c'est la mode. Il la découvre grâce à une amie de sa mère qui l'initie au magazine Vogue et le pousse à apprendre le français.

Sa soeur lui apprend à coudre, et il commence alors des petits travaux de couture avant d'habiller la bonne société de Tunis. En 1957, Azzedine Alaïa débarque à Paris. Hébergé en échange de baby-sitting, cuisine et naturellement robes, il lui faut attendre huit ans avant de s'installer dans son premier appartement-atelier. Les clientes se donnent le mot : Arletty - un modèle d'élégance pour le créateur -, mais aussi Greta Garbo ou encore les danseuses du Crazy Horse ne jurent que par ce nouveau prodige de la mode. La consécration arrive au début des années 80 avec le manteau en cuir ciré à oeillets métalliques. Puis tailleurs à taille creusée impeccablement coupés, robes seconde peau célébrant la chute des reins, zips espiègles, audacieux décolletés pigeonnants révolutionnent l'élégance parisienne.

Adulé de New York à Tokyo, honoré par les musées du monde entier, reconnu par ses pairs - deux oscars de la mode ont récompensé son travail -, le créateur continue, imperturbable, à glorifier la silhouette féminine. A l'entière maîtrise de tous les métiers - Azzedine Alaïa dessine et coupe tout lui-même - s'ajoute un sens exceptionnel des nouvelles matières. La maille Stretch épouse le mouvement, les fibres exclusives allègent le vêtement pour galber davantage. Quant au cuir, fidèle compagnon rigoureusement sélectionné parmi les peaux mégissées, il se drape avec sensualité, s'ajoure en version "grillagée", se marie à la dentelle, à moins d'être façonné en mosaïque hypnotique. Surtout lorsqu'il est porté en bustier par une certaine Naomi Campbell, qui appelle le couturier "papa".
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