mercredi 9 février 2011

VACANCES DES MINISTRES

Michèle Alliot-Marie, Nicolas Sarkozy puis François Fillon... Les affaires impliquant les voyages à titre privé des membres de l'exécutif se multiplient, sans qu'il soit toujours évident de distinguer ce qui pourrait constituer une faute de ce que prévoient les usages.

Des précédents et une règle pour les ministres. Sur le cas des ministres, les choses sont établies : à la suite des scandales provoqués par les cas de Christian Estrosi, qui avait commandé en 2008 un avion privé pour rentrer en France assister à une soirée privée à l'Elysée, pour un montant de 138 000 euros, puis d'Alain Joyandet, qui a affrété aux frais du gouvernement un autre jet privé, pour se rendre en Haïti début 2010, François Fillon a établi une règle : les ministres sont tenus d'utiliser le train ou les lignes aériennes régulières pour leurs déplacements en France, et la flotte gouvernementale pour les déplacements à l'étranger.

Rien n'est en revanche précisé pour les vacances des ministres, sinon qu'ils doivent payer celles-ci sur leurs deniers personnels. Le reste tient de l'usage et du bon sens. Le cas de Michèle Alliot-Marie, qui a accepté d'être transportée dans un avion utilisé par le clan Ben Ali et propriété d'un riche industriel tunisien, alors que les émeutes éclataient dans ce pays, tient de la maladresse politique plus que du délit constitué.

Des règles de sécurité pour l'Elysée et Matignon. Ces règles ne concernent pas la présidence, ni le premier ministre. Pour les deux têtes de l'exécutif, la sécurité passe avant le souci d'économies. Chacun d'eux doit être accompagné de gardes du corps, d'une ordonnance militaire et d'un médecin, pour le chef de l'Etat, et surtout être en capacité de rallier la France à tout instant.

Leurs déplacements s'effectuent donc dans les avions de la flotte gouvernementale, même lorsqu'ils partent en vacances. Dans ce cas, on leur demande, depuis 2008, de s'acquitter de l'équivalent d'un billet en "classe affaires" vers leur destination. Ce que François Fillon et Nicolas Sarkozy assurent avoir fait pour leurs deux séjours privés à l'étranger.

La Cour des comptes a clarifié ce point dans son rapport 2009. En effet, il est arrivé auparavant – et même depuis – que Nicolas Sarkozy voyage sur des avions de ligne réguliers. Mais il était alors suivi d'un appareil gouvernemental, qui stationnait près de son lieu de résidence pour être prêt à le ramener en France. La Cour des comptes a estimé qu'il était plus économique de voyager directement dans cet avion. Ajoutons que le chef de l'Etat comme le premier ministre mobilise, pour tous ses déplacements, un avion "spare" (de rechange) en plus de celui dans lequel il voyage. Cet avion est là en cas de défaillance du premier.

Reste que le prix acquitté par le président ou son premier ministre est très largement inférieur à celui que coûte la mobilisation de l'appareil et de son équipage, qui reste sur place tout au long des vacances de l'intéressé.

Invité par le pays d'accueil : diplomatie ou abus ? Mis en cause par Le Canard enchaîné, François Fillon a reconnu avoir bénéficié de l'hospitalité du régime de Hosni Moubarak, qui lui a fourni un hébergement et un avion pour se rendre d'Assouan à Abou Simbel.

Au-delà de l'aspect politique, et de ce qu'il révèle des liens parfois étroits de Paris avec les "hommes forts" des régimes autoritaires du Proche-Orient, le fait pour un chef de gouvernement de profiter de l'hospitalité du pays qui l'accueille est également un acte diplomatique.

Difficile de trouver des précédents explicites au cas de M. Fillon dans la presse, cependant, même si François Mitterrand, qui retournait régulièrement à Assouan, en Egypte, à l'Hôtel Old Cataract, ou encore Jacques Chirac, vieil habitué du Maroc, ont pu bénéficier de l'hospitalité des pouvoirs locaux.

Une flotte gouvernementale d'une douzaine d'appareils. L'Escadron de transport, d'entraînement et de calibration (ETEC), qui dépend du ministère de la défense et compte 168 personnes, gère les déplacements aériens de l'exécutif.

La flotte actuelle comprend une douzaine d'appareils. En premier lieu le nouvel avion présidentiel, un Airbus A330-200, acheté d'occasion à Air Caraïbes, et qui a coûté au total près de 180 millions d'euros. Il sert avant tout au chef de l'Etat, mais peut être emprunté par un membre du gouvernement ou par le premier ministre. Son rayon d'action lui permet d'aller partout dans le monde sans ravitaillement, ce qui justifie son achat.

Ensuite, le gouvernement a remplacé les deux Falcon 900 datant d'une dizaine d'années par deux Falcon 7x. Ces appareils, d'une capacité de seize places, peuvent effectuer un Paris-New York, ce qu'a fait Nicolas Sarkozy le week-end du 5 et 6 février à titre privé.

Les ministres peuvent encore compter sur quatre vieux Falcon 50, d'une taille et d'un rayon d'action plus réduits. Enfin, l'ETEC affiche encore sept appareils à hélice (TBM 700), peu utilisés, et trois hélicoptères Super Puma. L'ETEC cherche à vendre les anciens appareils gouvernementaux : deux Airbus A319, prédécesseurs de l'A330 présidentiel, et deux vieux Falcon 900.

Le coût horaire des appareils, selon une réponse du gouvernement à une question du député René Dosière, est le suivant : environ 9 000 euros de l'heure pour les Falcon 900, 7 000 euros pour les hélicoptères Puma, 8 000 pour les anciens Airbus A319 et jusqu'à 20 000 euros pour le nouvel A330. Le spécialiste des question de défense Philippe Lemayrie évaluait en 2009 le coût à l'heure de ce dernier à 20 000 euros.

En 2010, toujours en réponse à une question posée par le député Dosière, le gouvernement affirmait que les déplacements de M. Sarkozy constituaient 38 % des heures de vol de l'ETEC, ceux du premier ministre 20 % et ceux du ministre de la défense 5%.

A l'étranger, des pratiques différentes. Comment font les autres chefs d'Etat ? La débauche de mesures de sécurité qui entourent en permanence le président américain ne s'est jamais posée en terme de coûts. Et la plupart des homologues de M. Sarkozy possèdent également leurs avions. Mais la taille varie.

Selon une enquête du mensuel Terra Eco, Angela Merkel voyage ainsi dans un Airbus A310, tandis que l'ancien président brésilien Lula disposait d'un petit jet Embraer 190. Quant au président chinois Hu Jintao, il voyage à bord d'un gros porteur Boeing 747-400, le même modèle que celui du "Air Force One" américain.

Cependant, crise oblige, les chefs d'Etat et de gouvernement étrangers ont tenté de réduire ces coûts. C'est ainsi que le premier ministre britannique, David Cameron, s'est rendu aux Etats-Unis sur un vol commercial en juillet 2010. On ne sait pas s'il était accompagné d'un avion "spare" voyageant à vide.