samedi 26 février 2011

Plus de 100 000 Tunisiens, selon la police

Plus de 100 000 Tunisiens, selon la police, ont réclamé vendredi le départ du gouvernement de transition dirigé par Mohamed Ghannouchi, avant que des manifestants ne convergent vers le ministère de l'Intérieur où la police a tiré en l'air pour tenter de les disperser. Des tirs de sommation nourris ont été entendus à 17 h 45 locales devant le siège du ministère, avenue Bourguiba, où des policiers ont utilisé de gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants qui grimpaient aux fenêtres de l'immeuble.

En début d'après-midi, devant la place de la Kasbah noire de monde et survolée par des hélicoptères de l'armée, des policiers avaient avancé le chiffre de "plus de 100 000 manifestants". Selon des membres du Croissant-Rouge et des manifestants, il "s'agit de la plus grande manifestation depuis la chute de Ben Ali" le 14 janvier. Répondant à des appels relayés sur Facebook et profitant du fait que vendredi est un jour férié, des milliers de Tunisiens sont venus affirmer que leur "révolution" qui a fait chuter le régime de Ben Ali "ne sera pas usurpée".

"Ghannouchi, prends tes chiens et démissionne"

Des manifestants scandent "Ghannouchi, dégage !", "Ça suffit avec les mises en scène", "Honte à ce gouvernement". D'autres brandissent des banderoles où l'on peut lire "Ghannouchi, ton insistance montre que tu caches ta mauvaise foi". "Révolution jusqu'à la victoire", "En avant les braves de la liberté", "Nous arracherons la répression de notre terre", "Ghannouchi, prends tes chiens et démissionne", "Non à la confiscation de la révolution", scandaient d'autres manifestants. "Nous sommes là aujourd'hui pour faire tomber le gouvernement", lance Tibini Mohamed, un étudiant de 25 ans.

En milieu d'après-midi, des milliers de manifestants ont convergé avenue Habib Bourguiba, en plein centre de Tunis, devant le ministère de l'Intérieur. Fin janvier, le Premier ministre avait déménagé ses bureaux après une semaine de "siège", lorsque des milliers de Tunisiens avaient campé sous ses fenêtres à la Kasbah. Il avait alors transféré son cabinet au palais présidentiel de Carthage, dans la banlieue sud de Tunis. Mohamed Ghannouchi a été le Premier ministre de Ben Ali de 1999 jusqu'à la chute de ce dernier.

Pas de date communiquée pour les élections

Le 27 janvier, sous la pression de la rue, il a déjà remanié le gouvernement de transition, épuré des principaux caciques de l'ancien régime qui gardaient la majorité des ministères. Depuis, des élections libres ont été annoncées pour dans six mois, mais le pouvoir de transition n'a pas fixé de date ni donné de précisions sur le type de scrutin qu'il comptait convoquer. Mais devant l'insécurité, ajoutée au mécontentement social face à l'absence d'amélioration dans le quotidien des Tunisiens depuis la chute de Ben Ali, la mobilisation de la rue ne faiblit pas.

Ramzi, un étudiant en droit, déclare que les Tunisiens "vivent dans un vide politique". D'autres manifestants ont déployé une pancarte d'une vingtaine de mètres où l'on peut lire : "Sit-in jusqu'à la dissolution du gouvernement". De nombreux jeunes sont enroulés dans le drapeau tunisien, certains brandissent des balais avec des pancartes proclamant "Ghannouchi, dégage !". D'autres manifestants scandent "Dégage, le RCD !", le Rassemblement constitutionnel démocratique, le puissant parti de Ben Ali, suspendu le 6 février en prévision de sa dissolution.

Quatre mille Tunisiens avaient déjà manifesté dimanche devant la Kasbah pour réclamer, outre la démission du gouvernement transitoire, l'élection d'une assemblée constituante et la mise en place d'un système parlementaire. Cette manifestation et les précédentes s'étaient transformées en sit-in devant la Kasbah, des jeunes y campant le jour, et depuis peu la nuit.