jeudi 17 février 2011

LA POLITIQUE ETRANGERE

Hésitations, cafouillages, contradictions, mensonges et parfois silences embarrassants, la France a accumulé les échecs diplomatiques depuis 2007. L'affaire Cassez et les dernières révélations sur les vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie renforcent encore plus l'idée d'une diplomatie française à la dérive.
Mots-clés : sarkozy, diplomatie, étranger, monde, ben ali, tunisie

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Nicolas Sarkozy, lors de la présentation de ses vœux aux corps diplomatiques et du lancement de la présidence française du G20 et du G8, le 24 janvier 2011. (AFP) Nicolas Sarkozy, lors de la présentation de ses vœux aux corps diplomatiques et du lancement de la présidence française du G20 et du G8, le 24 janvier 2011. (AFP)

Nicolas Sarkozy ne manquait pas d'ambition lors de son arrivée à la présidence de la République, en 2007. Il annonçait le retour d'une France influente sur le devant de la scène européenne et mondiale. Il promettait aussi de défendre les libertés et les droits de l'homme à travers le monde. A cet égard, force est de constater que la diplomatie française fut rarement couronnée de succès. A force d'agitation, parfois inutile, et de stratégie de l'émotion, Nicolas Sarkozy a multiplié les couacs en ce début d'année 2011. La gestion de l'affaire Cassez, récemment, a définitivement mis à terre la politique étrangères de la France.
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Tour d'horizon non-exhaustif.



Tunisie : Pour se justifier de la mauvaise gestion de la crise tunisienne, Nicolas Sarkozy a expliqué que la France n'avait rien vu venir. Mais Paris est allé, par les voix de plusieurs ministres, jusqu'à soutenir le régime de Ben Ali. La ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie a proposé l'expertise française en matière d'émeutes pour aider le régime autoritaire à gérer la révolte.

Si Nicolas Sarkozy a esquissé un mea culpa tardif et du bout des lèvres, lundi, lors d'une conférence de presse, il a surtout revendiqué le droit de "réserve", particulièrement quand il s'agit d'anciennes colonies...

La ministre des Affaires étrangères a multiplié les mensonges concernant ses vacances tunisiennes au moment même où les émeutes éclataient à Sidi-Bouzid et Kasserine et sur sa relations avec Aziz Miled, un proche de Ben Ali.



Florence Cassez/Mexique : Après le rejet de son dernier pourvoi en cassation par la justice mexicaine, confirmant une condamnation à 60 ans de prison, Nicolas Sarkozy, voulant s'essayer à la pirouette diplomatique, a dédié l'année du Mexique à la Française. Le détention de Florence Cassez se change ainsi en une affaire d'Etat. Paris estime que la procédure mexicaine est entachée de nombreuses irrégularités qualifie la décision de la justice mexicaine "d'inique". En s'attaquant frontalement à la souveraineté d'un pays démocratique, le chef de l'Etat s'est une fois de plus pris les pieds dans le tapis. Furieux et humilié, le président mexicain Felipe Calderon décide de boycotter cet événement culturel et économique. Comment Nicolas Sarkozy pouvait-il ignorer qu'il déclencherait une telle réaction ? Michèle Alliot-Marie (encore elle) a été la première dans le gouvernement à suggérer un rejet complet de l'année du Mexique en déclarant qu'elle ne se rendrait pas aux manifestations. Elle a estimé qu'il y avait un "déni de justice" et un "montage policier, la violation de la présomption d'innocence, l'absence d'enquête véritable, la mise à l'écart de témoignages en faveur de Florence, et au contraire, le maintien de témoignages contre elle malgré leur incohérence"... En agissant ainsi, Paris s'est brouillé avec un allié économique de poids et a perdu la seule chance de voir un dénouement à l'amiable sur le cas Florence Cassez.



Niger : En janvier 2011, deux jeunes français ont été enlevés par des terroristes se réclamant Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Niger. Le chef de l'Etat a donné l'ordre d'intervenir militairement, expliquant que les terroristes allaient entrer dans des zones impénétrables. Mais l'attaque a mal tourné. Les deux français ont été tués dans des conditions encore floues lors de l'assaut français. Le recours à la force a été critiqué, notamment par les familles. Jusqu'ici, la priorité dans ce type de situation, était donnée à la négociation. Nicolas Sarkozy semble avoir changé de stratégie, quitte à mettre la vie des otages en péril.

Même s'il a admis s'être posé des questions, le chef de l'Etat a assuré lundi que "c'était la seule décision à prendre". Dans le même temps, selon un responsable de l'enquête, cité par Libération, les forces françaises ont abattu trois gendarmes nigériens, qui en plus, avaient été faits prisonniers. Le ministre de la Défense, Alain Juppé, a d'ailleurs déclassifié les photos et les vidéos de cette opération militaire hasardeuse.



Liban : La démission des ministres libanais proches du Hezbollah, qui a mis un terme au gouvernement d'union nationale dirigée par Saad Hariri, est un autre signe fort de l'échec de la politique arabe de Nicolas Sarkozy. Ce dernier s'était rapproché du président syrien, Bachar El-Assad, dans l'espoir de trouver une solution à la crise libanaise grâce à l'influence régionale de Damas.

Nicolas Sarkozy a proposé récemment la création d'un "groupe de contact" entre pays qui seraient prêts à mettre en commun leurs efforts pour aider le Liban à surmonter sa crise gouvernementale. Affaire à suivre.



L'Union européenne : A en croire les analystes, les relations franco-européennes (et notamment franco-allemandes) n'ont jamais été aussi mauvaises que sous Nicolas Sarkozy. Au début était l'idylle. Assurant la présidence tournante de l'Union européenne en pleine crise financière, Nicolas Sarkozy a mené la barque habilement. Mais très vite, les tensions sont apparues. Elles ont atteint leur summum au moment de la crise grecque et de la crise de l'euro. Les divergences économiques entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont alors apparues.

La politique française d'expulsion des Roms, en 2010, a provoqué l'indignation de la Commission européenne et du Conseil de l'Europe. La Commission a menacé la France de sanctions. Des chefs de gouvernement ont rapporté que Nicolas Sarkozy a eu une engueulade historique avec José Manuel Barroso, le président de la Commission. Ce clash fut doublé d'un couac embarrassant avec la chancelière allemande qui a démenti avoir annoncé au président français qu'elle allait suivre son exemple sur les Roms, comme il s'en était vanté lors d'une conférence de presse.



L'Union pour la Méditerranée (UPM) : Lancée en grande pompe à Paris en 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, l'UPM, qui regroupe les 43 pays dont les 27 de l'Union européenne, la Turquie, Israël et les pays arabes du pourtour méditerranéen, s'était fixée pour objectif de relancer le dialogue euro-méditerranéen. Force est de constater que ce projet a été remisé aux placards. Le deuxième sommet, programmé en novembre dernier, a été reporté sine die.



Afrique subsaharienne : Vu d'Afrique, la politique étrangère de Nicolas Sarkozy déçoit. Il avait promis de rompre avec la politique des réseaux et d'être l'ennemi des dictatures, suscitant beaucoup d'espoir. Rapidement, sa noce électorale sur le yacht de Vincent Bolloré, acteur économique controversé de l'Afrique, a semé le doute. En 2008, à Dakar, le chef de l'Etat a prononcé un discours qui a provoqué un tollé, tant en France que dans les pays d'Afrique. Nicolas Sarkozy a notamment déclaré que "le drame de l'Afrique, c'était que l'homme africain n'était pas assez entré dans l'Histoire." Depuis il traîne ce discours comme un boulet. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la Coopération nommé en 2007, est rapidement transféré vers un poste moins exposé - il promettait "la fin de la Françafrique".

Le coup de pouce militaire au Tchad, le 1er février 2008, qui permit à Idriss Deby de sauver son pouvoir, a achevé de camper le décor de la politique africaine de Nicolas Sarkozy. En visite au Gabon en 2010, Nicolas Sarkozy a apporté son soutien au nouveau chef de l'État gabonais, Ali Bongo (fils d'Omar Bongo), tout en démentant qu'il ait été le "candidat" de la France lors la dernière présidentielle.



Haïti : Le retour de l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier a suscité de nombreuses interrogations sur le rôle de la France. Paris a eu beau se défendre de n'y être pour rien, de nombreux responsables haïtiens se sont demandés pourquoi Bébé Doc, muni d'une carte de séjour française, a pu passer les contrôles aéroportuaires sans être remarqué.



(Sarah Diffalah - Nouvelobs.com)