samedi 12 février 2011

LA FIN DE MOUBAREK

Selon Omar Souleiman, qui s'exprimait à la télévision, vendredi 11 février, un conseil militaire va être mis sur pied pour diriger le pays. Le ministre de la défense, Mohamed Hussein Tantaoui, dirige lui-même ce conseil, qui s'était réuni la veille en promettant de satisfaire les revendications du peuple, confirme-t-on de source militaire.

L'armée égyptienne s'engage dans la transition. Dès que l'annonce du départ d'Hosni Moubarak a été faite, le Conseil suprême des forces armées égyptiennes a fait savoir qu'il détaillerait les mesures de la phase de transition politique à venir tout en félicitant le raïs pour avoir pris cette décision "dans l'intérêt de la nation". Elle a également "[salué] les martyrs" qui ont perdu la vie lors des dix-huit jours de contestation et a assuré qu'elle ne souhaitait pas se substituer à la "légitimité voulue par le peuple".

Mais les militaires ont tout de même entretenu un certain flou. "Tenant compte des revendications de notre grand peuple qui souhaite des changements radicaux, ont-ils déclaré, le Conseil suprême des forces armées étudie [ces revendications] et publiera plus tard des communiqués qui préciseront les mesures qui vont être prises". Dans la matinée, ce même conseil avait assuré qu'il garantirait "une élection présidentielle libre et transparente" et promis de mettre fin à l'état d'urgence, en vigueur depuis 1981, "dès la fin des conditions actuelles".

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Scènes de liesse à Tahrir et ailleurs. Cette annonce a été accueillie dans la liesse par les centaines de milliers de manifestants massés sur la place Tahrir, dans le centre du Caire, cœur de la "révolution du Nil" déclenchée le 25 janvier pour obtenir le départ du raïs de 82 ans.

Les Egyptiens célèbrent la victoire du peuple sur la place Tahrir au Caire.

Les Egyptiens célèbrent la victoire du peuple sur la place Tahrir au Caire.REUTERS/SUHAIB SALEM

"Le peuple a renversé le régime !" et "Dieu est grand !", ont scandé avec ferveur les manifestants, au 18e jour de leur mouvement qui a soulevé tout le pays et paralysé son activité. En début de soirée, des milliers d'habitants du Caire tentaient encore de se rendre sur la place, provoquant des embouteillages monstres.

Parmi les manifestants, dont certains ont campé sur la place depuis plus de semaines, certains étaient prêts à rentrer chez eux. D'autres, au contraire, estimaient que le travail n'était pas terminé. "Nous ne voulons personne de l'ancien régime, ils doivent tous partir et nous resterons ici jusqu'à ce que nos revendications soient satisfaites", promet un manifestant, Mohammed Chaabane, cité par l'AFP. En attendant de trancher, entre cris de joie, chants et feux d'artifices, les milliers d'Egyptiens présents à Tahrir exultaient ensemble en chantant "Lève la tête, tu es Egyptien" ou "Egypte libre!".

Des rassemblements de soutien au peuple égyptien ont eu lieu à Gaza, à Beyrouth, à Sanaa, à Rabat, à Tunis ou encore à Paris, ou plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sur l'esplanade des Invalides.

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Le courage du peuple égyptien salué. La démission du raïs a immédiatement été saluée par la communauté internationale. L'ONU s'est réjouie que la "voix du peuple égyptien ait été entendue", alors que l'Allemagne a salué un "changement historique". Nicolas Sarkozy a quant à lui salué la décision "courageuse et nécessaire" de M. Moubarak.

De son côté, le président américain Barack Obama, dont la réaction était très attendue en tant qu'allié de poids de l'Egypte, a déclaré : "En démissionnant, le président Moubarak a répondu à l'aspiration du peuple égyptien au changement", affirmant : "L'Egypte ne sera plus jamais la même".

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Parmi les probables futurs poids lourds politiques en Egypte, Mohamed ElBaradei a déclaré qu'il fallait "faire le meilleur usage possible" de la liberté gagnée alors que Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, a constaté que la "révolution blanche" était une nouvelle étape dans l'histoire de son pays. "C'est un jour de renaissance pour l'Egypte", a enchaîné Ayman Nour, autre opposant historique.

Dans de nombreux pays du monde arabe, des manifestations spontanées ont eu lieu pour saluer la victoire du peuple égyptien sur le régime.
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M. Moubarak a quitté Le Caire pour Charm El-Cheikh. Un responsable du Parti national démocrate, au pouvoir, avait, peu de temps avant l'annonce du départ du président, annoncé que Hosni Moubarak et sa famille avaient quitté la capitale pour la station balnéaire de Charm El-Cheikh.

Auparavant, le palais avait été assiégé par des manifestants anti-Moubarak, furieux de la décision annoncée la veille par le raïs de se maintenir à la présidence jusqu'à la fin de son mandat en septembre. Autre signe annonciateur, le secrétaire général du parti au pouvoir, Hossam Badrawi, avait annoncé sa démission en plaidant pour l'apparition de nouvelles formations politiques et un changement des mentalités.

La Suisse a gelé les avoirs de Moubarak. Peu après l'annonce de la présidence égyptienne, le gouvernement helvétique a annoncé qu'il gelait "avec effet immédiat" les avoirs que pourraient détenir dans la Confédération Hosni Moubarak et son entourage.